Prise en charge du patient atteint d'une affection pulmonaire

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PRISE EN CHARGE DU PATIENT ATTEINT D'UNE AFFECTION PULMONAIRE

45 PRISE EN CHARGE DU PATIENT ATTEINT D’UNE AFFECTION PULMONAIRE

Les éléments clés du bilan en cas de symptômes pulmonaires sont l’anamnèse, l’examen clinique et, dans la majorité des cas, la rx du thorax. Ces éléments doivent faire pratiquer ou non des examens complémentaires notamment des épreuves fonctionnelles respiratoires et des analyses des gaz du sang artériel (GSA), (p 364), un scanner thoracique (TDM) et d’autres examens d’imagerie médicale (p 374), la fibroscopie (p 375).

Anamnèse

L’anamnèse permet souvent d’établir si les symptômes (dyspnée, douleur thoracique, wheezing, stridor, hémoptysie et toux) sont d’origine pulmonaire ou non. L’anamnèse permet d’identifier le symptôme principal lorsque plusieurs symptômes se manifestent simultanément et recherche également la présence de symptômes généraux, tels que fièvre, perte de poids ou sudations nocturnes. D’autres informations importantes sont les expositions professionnelles et environnementales ; antécédents familiaux, voyages, relations ; maladies antérieures, prises médicamenteuses et de drogues illicites ; résultats d’examens antérieurs (par ex. intradermoréaction, IDR, rx du thorax).

Examen clinique

L’examen clinique permet d’évaluer tout d’abord l’aspect général du patient. La gêne et l’anxiété, les habitudes de vie, l’effet de la parole ou des mouvements sur les symptômes peuvent être évalués à l’anamnèse et peuvent apporter des informations utiles sur l’état pulmonaire du patient. L’inspection, l’auscultation, la percussion et la palpation thoracique suivent à l’interrogatoire.

Inspection

L’inspection doit rechercher les signes de difficultés respiratoires et d’hypoxémie (agitation, cyanose, utilisation des muscles accessoires) et les signes de pathologies pulmonaires chroniques (hippocratisme digital, œdème pédieux).

La cyanose est une coloration bleutée des lèvres, du visage ou des lits inguéaux, indiquant une saturation artérielle en oxygène basse (< 85 %).

L’utilisation des muscles accessoires est définie comme l’utilisation pour la respiration des muscles intercostaux, sterno-cleido-mastoidiens et/ou des scalènes. Le tirage intercostal (mouvement de dépression au niveau des espaces intercostaux) est fréquent chez le nourrisson et chez le patient, souffrant de déficiences importantes du débit aérien ; la respiration paradoxale (mouvement de dépression de l’abdomen à l’inspiration) indique une fatigue ou une faiblesse des muscles respiratoires.

L’hippocratisme digital est un élargissement de l’extrémité des doigts (ou des orteils) dû à la prolifération de tissu conjonctif entre l’ongle et l’os. Le diagnostic s’appuie sur un bombement de l’ongle vu de profil (plus de 176 °) ou sur une augmentation du rapport de l’épaisseur phalangienne (>1) (voir fig ; 45.1). « L’aspect spongieux » du lit inguéal sous la cuticule est également évocateur d’hippocratisme digital. L’hippocratisme digital est le plus souvent observé dans le cancer du poumon, mais c’est également un signe important de pathologies pulmonaires chroniques, telles que la mucoviscidose et la fibrose pulmonaire idiopathique ; il est moins fréquent dans les pathologies cardiaques cyanotiques, les infections chroniques (par ex. endocardite infectieuse), l’accident vasculaire cérébral, les maladies inflammatoires intestinales et la cirrhose. L’hippocratisme digital est parfois associé à l’ostéoarthropathie et à la périostite (ostéoarthropathie hypertrophiante primitive ou héréditaire) ; dans ce cas, l’hippocratisme digital peut être accompagné d’anomalies dermatologiques, telles qu’une hypertrophie cutanée au dos des mains (pachydermopériostose), une séborrhée et des traits grossiers du visage. L’hippocratisme digital peut également être une anomalie héréditaire bénigne ; l’hippocratisme digital bénin se différencie de l’hippocratisme digital pathologique par l’absence de symptômes ou de pathologie pulmonaire et par la présence de l’hippocratisme digital à un âge précoce.

Les déformations de la cage thoracique, telles que le pectus excavatum et cyphoscoliose, peuvent gêner la respiration et aggraver les symptômes d’une pathologie pulmonaire préexistante.

La fréquence respiratoire doit être mesurée et comptée sur une période d’1 min pour détecter des variations de la fréquence liées à des cycles respiratoires anormaux.

La respiration de Cheyne-Stokes (respiration périodique) est une variation cyclique de la fréquence et de l’amplitude respiratoire. Les patients passent progressivement d’une courte période d’apnée à une respiration plus rapide et plus profonde (hyperpnée), puis plus lente et moins profonde avant de revenir à une période d’apnée et de répéter ensuite le cycle. La respiration de Cheyne-Stokes est le plus souvent liée à une insuffisance cardiaque, une maladie neurologique (par ex. accident vasculaire cérébral, démence avancée) ou la prise de médicaments. Dans l‘insuffisance cardiaque, elle est probablement due à une insuffisance circulatoire cérébrale et à un retard des centres respiratoires à détecter une acidose / hypoxie (provoquant une hyperpnée) ou une alcalose/ hypocapnie (provoquant une apnée).

La respiration de Biot est une variante rare de la respiration de Cheyne-Stokes dans laquelle on observe une alternance de périodes irrégulières d’apnée et de périodes durant lesquelles le patient prend 4 ou 5 respirations profondes et régulières. Elle diffère de la respiration de Cheyne-Stokes par un début et une fin brutale et par son manque de régularité. Elle résulte d’une lésion du SNC et se produit dans des pathologies telles que la méningite.

La respiration de Kussmaul que l’on observe dans l’acidose métabolique est profonde et régulière.

La distension des veines jugulaires est généralement le signe d’une surcharge volumique ou d’une insuffisance cardiaque droite (p 574).

FIG. 45-1. Mesure de l’hippocratisme digital

Le rapport entre le diamètre antéropostérieur du doigt mesuré au lit ingueal (a-b) et celui mesuré à l’articulation interphalangienne distale (c-d) est une mesure simple de l’hippocratisme digital. Il peut être obtenu rapidement et de façon reproductible avec un instrument comme celui qui sert à la mesure du pli cutané. Si le rapport est supérieur à 1, il existe un hippocratisme. Cet hippocratisme digital est également caractérisé par la perte de l’angle normal mesuré au lit inguéal.

A : cuticule

B : pulpe du doigt

C : os phalangette

D : pli intérieur de la peau phalangette

Doigt normal : 160 ° angle dans la cuticule

Doigt hippocratique : 180 ° entre ongle et dessus phalangette.

Auscultation

L’auscultation est certainement  la composante la plus importante de l’examen clinique. Les différentes parties du thorax doivent être auscultées, y compris les flancs, afin de détecter des anomalies au niveau de chaque lobe pulmonaire. Les éléments à écouter sont les caractéristiques et le volume des bruits respiratoires, la présence ou l’absence de bruits vocaux, les frottements pleuraux et le rapport inspiration sur expiration (rapport I/E).

Les bruits respiratoires (murmure vésiculaire) sont les bruits normaux audibles au niveau de la majeure partie des champs pulmonaires. Les bruits bronchiques sont légèrement plus forts, rauques et d’un timbre plus élevé. Ils peuvent théoriquement être entendus au niveau de la trachée et sur les zones de consolidation pulmonaire, comme dans la pneumonie. Les bruits adventiciels sont des bruits anormaux, tels que les crépitants, les ronchi, les wheezing et le stridor.

Les crépitants, antérieurement appelés râles, sont des bruits adventiciels discontinus. Les crépitants fins sont des sons courts de tonalité élevée ; les crépitants grossiers sont des bruits plus prolongés et de tonalité basse. Les crépitants ont été comparés au bruit du plastique froissé et peuvent être simulés par le frottement des cheveux entre les doigts près de l’oreille. Ils apparaissent le plus souvent en cas d’atélectasie et de remplissage alvéolaire, par ex. dans l’œdème du poumon et les pneumopathies interstitielles ; ils sont le signe d’une distension du tissu pulmonaire fibrotique ou de l’ouverture des alvéoles collabées.

Les ronchi sont des bruits respiratoires de basse tonalité, audibles à l’inspiration ou à l’expiration. Ils se manifestent dans différentes affections, y compris dans la bronchite chronique. Le mécanisme peut être lié aux variations d’obstruction notamment lorsque les voies aériennes s’ouvrent lors de l’inhalation.

Le wheezing est une respiration musicale et sifflante plus prononcée à l’expiration qu’à l’inspiration. Le wheezing est un signe clinique ou un symptôme fréquemment associé à une dyspnée.

Le stridor est un bruit de tonalité élevée, préférentiellement inspiratoire, produit par l’obstruction des voies aériennes supérieures extrathoraciques. On peut en général l’entendre sans stéthoscope. Le stridor est généralement plus fort que le wheezing. Il est préférentiellement inspiratoire et il est nettement audible au niveau du larynx. Il doit faire rechercher une obstruction des voies aériennes supérieures qui peut menacer le pronostic vital.

La diminution des bruits respiratoires indique un mouvement d’air anormal dans les voies aériennes, comme c’est le cas dans l’asthme et la BPCO où le bronchspasme et autres mécanismes limitent le flux aérien. Le murmure vésiculaire peut également être diminué en présence d’un épanchement pleural ou d’un pneumothorax.

La bronchophonie est la transmission claire de la voix parlée du patient à travers la paroi thoracique. Elle résulte de la consolidation alévolaire, comme c’est le cas dans la pneumonie.

L’égophonie se produit lorsque le patient dit la lettre « e » et que le clinicien entend la lettre « a » à l’auscultation. Elle se manifeste dans toutes les situations de consolidation pulmonaire, telles que la pneumonie.

La bronchophonie chuchotée est la transmission de la voix chuchotée du patient avec un volume augmenté à travers la paroi thoracique. On l’entend le plus souvent dans la pneumonie.

Les frottements sont des bruits de crissement ou de froissement qui varient avec le cycle respiratoire et ressemblent au bruit de frottement de la peau contre du cuir humide. Ils indiquent une inflammation pleurale et sont audibles en cas de pleurésie, d’empyème ou bien après une thoracotomie.

Le rapport I/E est normalement de ½ mais est prolongé à plus de 1/3 quand le flux aérien est limité, comme dans l’asthme et la BPCO, même en l’absence de wheezing.

L’auscultation cardiaque peut détecter des signes d’hypertension artérielle pulmonaire, telles qu’un son P2 élevé (P pulmonaire = 2ème bruit cardiaque), et des signes d’insuffisance cardiaque droite, tels qu’un son S4 ventriculaire droit (4ème bruit cardiaque, voir p 578) et une insuffisance tricuspide.

Percussion et palpation : la percussion est la première manœuvre physique utilisée pour détecter la présence et l’importance d’un épanchement pleural. La découverte à la percussion de zones de matité indique la présence de liquide sous-jacent ou, moins fréquemment, d’une consolidation. La palpation comprend la recherche des vibrations vocales, qui sont les vibrations de la paroi thoracique ressenties quand le patient parle ; elles sont diminuées dans l’épanchement pleural et le pneumothorax et augmentées dans la consolidation pulmonaire. Une douleur provoquée par la palpation peut indiquer une fracture de côte sous-jacente ou une inflammation pleurale.

Dans le cœur pulmonaire (voir p 664), une impulsion du ventricule droit à la partie inférieure du bord sternal gauche peut être perçue et peut être augmentée en amplitude et en durée (soulèvement du ventricule droit).

 

DOULEUR THORACIQUE

Les maladies pulmonaires et pleurales peuvent entraîner une douleur thoracique ; les exemples sont la pneumonie, l’embolie pulmonaire, la pleurésie, le cancer du poumon, et les fractures de côtes. Les causes cardiaques de douleur thoracique nécessitent un bilan clinique et un traitement en urgence. (voir p 580).

 

TOUX
La toux est un mouvement bruyant expiratoire qui se produit de façon réflexe ou volontairement pour libérer les voies aériennes. La toux est une réponse normale à la présence de mucus ou d’autres corps étrangers dans les voies aériennes ou les voies aériennes supérieures. Une toux persistante et gênante indique généralement une irritation des voies aériennes pulmonaires. C’est le 5ème symptôme le plus fréquent motivant les patients à consulter leur médecin. La perception de la toux par le patient est très variable. Une toux qui apparaît brutalement, gêne le sommeil ou déclenche une douleur de la paroi thoracique musculosquelettique peut être pénible. Lorsque la toux se développe sur plusieurs années (par ex. chez un fumeur ayant une bronchite chronique modérée), le patient peut ne pas y accorder d’importance ou la considérer comme normale.

Etiologie

Les causes de toux diffèrent selon que le symptôme est aigu (moins de 3 semaines) ou chronique.

La toux aigue est en général causée par les IVRS, en particulier le rhume commun. Les autres causes sont la pneumonie ; l’écoulement nasal postérieur en rapport avec une rhinite ou une sinusite qui peut être d’origine allergique, virale ou bactérienne ou des poussées de BPCO. Rarement, la toux peut être le seul symptôme présent dans l’embolie pulmonaire. Chez le patient âgé, une toux aigue peut indiquer une inhalation ou une insuffisance cardiaque.

Une toux chronique chez le fumeur est en général causée par la bronchite chronique, définie comme la présence d’une toux productive sur >= 3 mois pendant plus de 2 années consécutives. La compression des voies aériennes supérieures par une tumeur est beaucoup moins fréquente mais doit toujours être évoquée. Les causes les plus fréquentes, indépendamment des antécédents de tabagisme, comprennent le syndrome d’écoulement nasal postérieur, le reflux gastro-oesophagien (RGO), l’asthme (variante d’asthme avec toux) et la prise d’inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). Les causes moins fréquentes sont la bronchite à oesinophiles (caractérisée par une oesinophilie dans les crachats sans hyperréactivité des voies aériennes) et la bronchectasie. Les causes de toux chronique chez l’enfant sont les mêmes que chez l’adulte, mais l’inhalation et la coqueluche doivent également être évoquées. La trachéobronchite après une IVRS est une cause fréquente de toux mais dure rarement plus de 3 mois après l’infection. Un bouchon de cerumen ou un corps étranger dans le conduit auditif externe déclenche rarement un réflexe médiateur de toux par stimulation de la branche auriculaire du nerf vague. La toux d’origine psychogène est encore plus rare et est un diagnostic d’exclusion.

Bilan

Anamnèse :

Les notions d’IVRS et des sinus évoquent un syndrome d’écoulement nasal postérieur, mais l’écoulement entraîne souvent une toux sans autres symptômes. Le pyrosis, la raucité de la voix et la toux chronique nocturne ou au réveil, en particulier en l’absence d’autres symptômes, évoque un RGO. La toux après exposition à des poussières ou à des allergènes évoque une variante d’asthme avec toux. Une toux chronique avec production de crachats purulents chez les fumeurs évoque une bronchite chronique. Une modification de la toux chez ces patients peut cependant être une des premières manifestations d’un cancer du poumon. La toux productive avec crachats sableux peut indiquer une bronchodilithiase. Des crachats abondants sont évocateurs de carcinome alvéolaire malpighien.

Examen clinique

L’examen clinique devra se concentrer sur les signes de sinusite, de rhinite et d’écoulement nasal postérieur. L’ausculatation pulmonaire pendant la toux permet de détecter des bruits pulmonaires évocateurs d’asthme (wheezing) ou de bronchectasie (ronchi). L’examen des oreilles peut identifier le facteur médiateur du réflexe de toux.

Examens complémentaires

La plupart des patients ayant une toux aigue ou chronique sans étiologie claire à l’anamnèse et à l’examen peuvent être traités de façon empirique pour le syndrome d’écoulement nasal postérieur, le RGO ou l’asthme en fonction de l’examen clinique. Une réponse correcte à ces interventions thérapeutiques exclut la nécessité de réaliser des examens supplémentaires. Une rx du trax peut être réalisée, mais elle n’est généralement pas utile. Les patients ayant une toux chronique et une réponse insuffisante aux traitements peuvent bénéficier d’un bilan d’exploration d’asthme (épreuves fonctionnelles respiratoires avec épreuve de méthacholine))), de pathologies des sinus (TDM des sinus) ou du RGO–pHmétrie oesophagienne). La bronchoscopie doit être réalisée en cas de suspicion de cancer du poumon ou de toute autre tumeur bronchique.

Traitement

Le traitement consiste à gérer la cause sous jacente. L’intérêt des antitussifs ou fluidifiants bronchiques dans la toux n’est pas réellement prouvé, mais les patients attendent ou demandent souvent un tel traitement et de multiples options existent. La toux est un mécanisme important pour évacuer les sécrétions bronchiques et elle peut être utile dans le traitement des infections respiratoires. La toux survenant lors de maladies infectieuses doit donc être supprimée avec prudence. Les traitements non spécifiques de la toux doivent être réservés autant que possible aux patients qui présentent une IVRS ou bien aux patients traités pour la cause sous jacente mais dont la toux est encore gênante.

Les antitussifs agissent en inhibant le centre médullaire de la toux (dextrométhorphane et codéine) ou en bloquant les récepteurs des fibres vagales afférentes des bronches et des alvéoles (benzonatate). Le dextrométorphane, un analogue de l’opiacé lévorphanol, est efficace sous forme de comprimés ou de sirop à la dose de 15-30 mg 1-4 fois / j chez l’adulte ou 0,25 mg / kg 4 fois / j chez l’enfant. La codéine a des effets antitussifs, antalgiques et sédatifs, mais le risque de dépendance est important et les effets indésirables (nausée, vomissement, constipation et accoutumance) sont fréquents. Les doses habituelles sont de 10-20 mg PO toutes les 4-6 heures autant que nécessaire chez l’adulte et de 0, 25-0,5 mg / kg 4 fois / jour chez l’enfant. D’autres opiacés (par ex. hydrocodone, hydromorphone, méthadone, morphine) ont des propriétés antitussives mais sont à éviter du fait du risque élevé de dépendance et d’abus. Le benzonatate en capsules, un analogue de la tétracaine est efficace à la dose de 100-200 mg PO 3 fois / jour. L’ipatropium inhalé n’est généralement pas considéré comme un antitussif mais peut être utile en cas de toux aigue due à une IVRS.

Les expectorants entraînent une diminution de la viscosité et favorisent la toux ou l’expectoration des sécrétions mais ont un bénéfice limité. La guaifénésine (200-400 mg PO toutes le s 4 heures en sirop ou en comprimés) est souvent utilisée car elle a peu d’effets indésirables importants, mais il existe nombre d’autres expectorants, dont la bromhexine, l’ipéca, les solutions saturées d’iodure de potassium (SSKI) et le domiodol. Les expectorants en aérosols, tels l’isoprotérénol, la béclométasone, la N-acétyl-cystéine, et la désoxyribonucléase (ADNase) sont généralement réservés au traitement hospitalier de la toux chez le patient qui présente des bronchectasies ou une mucoviscidose. Assurer une hydratation correcte peut faciliter l’expectoration, tout comme l’inhalation de vapeur, bien qu’aucune méthode n’ait été rigoureusement testée.

Les traitements locaux, tels que les gouttes ou les sirops pour la toux (émollients) à base d’acacia, de réglisse, de glycérine, de miel e de abies sauvages sont efficaces au niveau local et peut être au niveau psychologique, mais leur efficacité scientifique n’a pas été prouvée.

Les médicaments qui stimulent la toux (protussifs) sont appropriés dans les pathologies telles que la mucoviscidose et la bronchectasie, dans lesquelles une toux productive est considérée comme importante pour libérer les voies aériennes et préserver la fonction respiratoire. L’ADNase ou la solution physiologique hypertonique est administrée en association avec al kinésithérapie respiratoire et el drainage postural pour favoriser la toux et l’expectoration. Cette méthode semble être efficace dans la mucoviscidose mais pas dans la plupart des autres causes de toux chronique.

Les bronchodilatateurs, tels que l’albutérol, l’ipratropium disodique ou les corticoides inhalés, peuvent être efficaces dans la toux après les IVRS et dans la variante d’asthme avec toux.

DYSPNEE

La dyspnée est une sensation de respiration désagréable et gênante. Ses mécanismes sont multiples et elle est ressentie et décrite différemment selon la cause.

La dyspnée a des causes multiples, pulmonaires, cardiaques ou autres (Tab 45.1). Souvent, plus d’un mécanisme intervient dans la sensation.

TAB. 45.1 CAUSES DE DYSPNEES

Apparition aigue (en quelques minutes)

Pulmonaire

- Pneumothorax

- Embolie pulmonaire

- Bronchospasme

o Asthme (avec antécédents)

o Irritation des bronches (avec exposition antérieure)

- Corps étranger

- Inhalations toxiques (par ex. chlore, sulfure d’hydrogène)

Cardiaque

- Ischémie myocardique ou infarctus aigu

o Rupture ou déficit du muscle papillaire

o Dysfonctionnement ventriculaire

- Œdème pulmonaire cardiogénique

Autres

- Paralysie diaphragmatique

- Troubles anxieux – hyperventilation

Apparition subaigue (en quelques heures ou jours)

Identique aux causes de dyspnée aigue, avec en plus :

- Pneumonie

- Bronchite aigue

- Intoxications

o Salicylé

o Ethylène-glycol

Apparition non aigue (heures – années)

Pulmonaire

- Pneumopathie obstructive

- Pneumopathie restrictive

- Pneumopathie interstitielle

- Epanchement pleural

Cardiaque

- Dysfonctionnement ventriculaire

- Epanchement péricardique et tamponnade

Autres

- Anémie

- Déconditionnement physique

La base de la sensation de gêne dans la dyspnée n’est pas claire, mais elle peut être liée à la perception d’une discordance au niveau central entre la tension des muscles respiratoires (besoin d’inspirer profondément) et la longueur de la respiration (capacité à inspirer profondément). Ce mécanisme implique en partie pourquoi certaines formes d’essoufflement et d’hyperpnée ne sont pas ressenties comme des dyspnées, comme dans l’acidose métabolique (respiration de Kussmaul), les maladies du SNC (respiration de Biot et de Cheyne-Stoke), et pendant l’effort chez les athlètes entraînés.

Bilan

Anamnèse

Des antécédents d’essoufflement ou d’incapacité à inspirer profondément sont fréquents chez le patient souffrant d’exacerbation de BPCO. L’oppression thoracique ou l’augmentation de l’effort pour respirer évoque un asthme ou un trouble ventilatoire obstructif. Un sentiment de suffocation est caractéristique de l’œdème du poumon. Une respiration lourde pendant l’effort est fréquente en cas de manque d’entraînement physique, alors que la soif d’air ou une sensation de besoin urgent de respirer davantage d’air est associée à l’hypercapnie, à des restrictions au niveau de la paroi thoracique et à l’œdème du poumon. Des expressions telles que « à bout de souffle » et « difficultés à respirer » ne sont pas spécifiques.

Une dyspnée débutant brutalement avec ou sans douleur thoracique intense évoque un pneumothorax spontané ou une embolie pulmonaire ; une douleur associée et un œdème au niveau des membres inférieurs ou la notion d’immobilisation récente évoque une embolie pulmonaire. Une toux productive et une fièvre survenant brutalement évoquent une pneumopathie bactérienne, notamment celle causée par Streptococcus pneumoniae si elle s’accompagne de douleur thoracique pleurale. Une dyspnée sévère qui apparaît 1-2 heures après l’endormissement (dyspnée paroxystique nocturne) est pathognomonique d’un dysfonctionnement du ventricule gauche, mais elle doit être distinguée des réveils nocturnes par la toux en cas d’asthme ou d’hypersécrétion de mucus. La dyspnée survenant en position couchée (orthopnée) évoque également un dysfonctionnement du ventricule gauche ou, moins fréquemment, un épanchement péricardique, une faiblesse des muscles respiratoires ou une paralysie du diaphragme. La dyspnée qui s’aggrave en position assisse et se résout en position couchée (platypnée) est inhabituelle et évoque une malformation artérioveineuse pulmonaire ou un syndrome hématopulmonaire; cela peut également être observé après une pneumonectomie, dans l’embolie pulmonaire récidivante, et dans les pathologies pulmonaires chroniques qui affectent préférentiellement les lobes inférieurs, telles que la pneumonie d’inhalation et la carence en alpha 1 antitrypsine. La dyspnée associée à des paresthésies dans les doigts ou autour de la bouche évoque une hyperventilation. La dyspnée d’effort, en l’absence de signes objectifs à l’examen clinique ou aux examens complémentaires, peut indiquer une anémie, une hypertension artérielle pulmonaire primitive (si elle se manifeste chez une jeune femme) ou, plus probablement, un manque d’entrainement physique.

Examen clinique :

L’absence ou la diminution importante du murmure vésiculaire d’un seul côté du thorax évoque un pneumothorax ou un épanchement pleural ; ces deux situations peuvent être reconnues respectivement par une augmentation de la résonnance et une matité à la percussion. Un wheezing (voir p 363) est évocateur d’asthme ou de BPCO. Le stridor (p 363) indique une obstruction extra thoracique des voies aériennes (par ex corps étranger, épiglottite, dysfonctionnement des cordes vocales). Les crépitants chez le patient dyspnéique sont évocateurs d’insuffisance cardiaque gauche ou de penumopathie interstitielle. Les ronchi sont évocateurs de BPCO.

Examens complémentaires

Une rx du thorax doit être réalisée chez la majorité des patients. La dyspnée aigue nécessite également une oxymétrie du pouls qui procure une mesure non invasive de la saturation en O2. Il est indispensable de réaliser un ECG pour détecter une ischémie cardiaque, à moins que celle-ci puisse être exclue cliniquement. En cas de détérioration sévère de la fonction respiratoire, la mesure des gaz du sang artériel (GSA) doit être réalisée pour quantifier précisément l’hypoxémie, mesurer la PCO2, rechercher un trouble acido-basique stimulant l’hyperventilation et calculer le gradient alvéoloartériel (voir p 370). Les patients pour lesquels on suspecte une embolie pulmonaire doivent passer une scintigraphie de ventilation/ perfusion ou un angioscanner.

La dyspnée chronique peut justifier des examens supplémentaires, tels que la TDM, les épreuves fonctionnelles respiratoires, l’échographie et la bronchoscopie.

Traitement

Le traitement consiste en la correction de la cause sous jacente. L’hypoxémie est traitée par une supplémentation en O2 autant que nécessaire, afin de maintenir la saturation SaO2 >= 88 % ou la PaO2 > 55 mmHg car au-dessus de ces seuils, l’approvisionnement des tissus en O2 est correct. Des taux inférieurs à ces seuils correspondent à la portion verticale de la courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine O2-Hb, au niveau de laquelle de légères baisses de la pression partielle en O2 ont pour conséquence d’importantes diminutions de la saturation  de l’Hb (voir Fig. 46.4 p 371). La saturation en O2 doit être maintenue à > 93 % en cas de risque d’ischémie myocardique ou cérébrale. La morphine 0,5-5 mg IV permet de réduire l’anxiété et la douleur lors de la dyspnée dans différentes pathologies, dont l’infarctus du myocarde (IDM), l’embolie pulmonaire et la dyspnée qui accompagne fréquemment les maladies au stade terminal (voir p 2765). Cependant, les opiacés peuvent être délétères chez le patient qui présente une limitation du flux aérien (par ex. asthme, BPCO) car ils inhibent la commande ventilatoire et aggravent l’acidose respiratoire.

SYNDROME D’HYPERVENTILATION

Le syndrome d’hyperventilation est une dyspnée et une tachypnée liées à l’anxiété souvent accompagnées de symptômes généraux.

Le syndrome d’hyperventilation est fréquent chez les jeunes femmes mais peut affecter les deux sexes à n’importe quel âge. Il est parfois déclenché par des événements émotionnels stressants. Le syndrome d’hyperventilation diffère du trouble panique (voir p 1674), bien que les 2 maladies se recoupent. Près de la moitié des patients qui présentent un trouble panique ont un syndrome d’hyperventilation et le quart des patients qui présente le syndrome d’hyperventilation ont un trouble panique.

Anamnèse :

Les patients atteints de syndrome d’hyperventilation présentent une dyspnée parfois très importante associée à une sensation de suffocation. Elle est accompagnée d’agitation et d’un sentiment de terreur ou de symptômes somatiques tels qu’une douleur thoracique, des paresthésies (périphérique et péribucale), une tétanie périphérique, une lipothymie ou une syncope. Ces symptômes sont parfois associés. La tétanie apparaît car l’alcalose respiratoire entraîne à la fois une hypophosphatémie et une hypocalcémie. Les patients atteints de syndrome d’hyperventilation chronique présentent des symptômes beaucoup moins importants et ils sont rarement diagnostiqués ; ils soupirent profondément et fréquemment et ont souvent des symptômes somatiques non spécifiques dans un contexte de troubles de l’humeur, d’anxiété et de stress.

Examen clinique :

L’examen clinique est normal en cas de syndrome d’hyperventilation aigu et chronique. Cependant, les patients peuvent être tachypnéiques et sembler anxieux ou agités.

Examens complémentaires :

Le syndrome d’hyperventilation est un diagnostic d’exclusion ; la difficulté est d’utiliser judicieusement les examens complémentaires et les ressources possibles pour différencier ce syndrome de diagnostics plus sévères. Les examens complémentaires standards comprennent l’oxymétrie du pouls, la rx du thorax et l’ECG. Dans le syndrome d’hyperventilation, l’oxymétrie montre une saturation en oxygène égale ou proche de 100 %. La rx du thorax est normale. L’ECG est réalisé pour rechercher une ischémie cardiaque, bien que le syndrome d’hyperventilation puisse lui-même entraîner un sus-décalage du segment ST, une inversion de l’onde T, et un allongement de l’intervalle QT. Les gaz du sang sont nécessaires lorsque d’autres causes d’hyperventilation sont suspectées, telles que l’acidose métabolique. Le syndrome d’hyperventilation aigu est parfois indiscernable de l’embolie pulmonaire, et il peut être nécessaire de réaliser un bilan à la recherche d’une embolie pulmonaire (par ex. D-dimères, scintigraphie ventilation/perfusion, TDM hélicoidal).

Traitement

Le traitement passe par le soutien psychologique du patient. Certains médecins préconisent d’apprendre au patient l’expiration maximale et la respiration diaphragmatique. La plupart des patients nécessitent un traitement des troubles de l’humeur ou des pathologies anxieuses sous-jacentes. La prise en charge comprend la thérapie cognitive, les techniques de relaxation et/ou les médicaments (anxiolytiques, antidépresseurs ou lithium). 

HEMOPTYSIE

L’hémoptysie est une toux ramenant du sang des voies respiratoires. La majeure partie du sang des poumons (95 %) circule dans les artères pulmonaires à basse pression et finit dans le lit capillaire pulmonaire où ont lieu les échanges gazeux ; Près de 5 % du sang circule dans les artères bronchiques à haute pression, qui proviennent de l’aorte et irriguent les voies aériennes supérieures et les tissus de soutien. Dans l’hémoptysie, le sang provient généralement de cette circulation bronchique, sauf lorsque les artères pulmonaires sont lésées par un traumatisme, une érosion tumorale, un ganglion granulomateux ou calcifié ou, rarement, par une cathétérisation artérielle pulmonaire ou l’inflammation des capillaires pulmonaires. Les crachats striés de sang sont fréquents dans de nombreuses pathologies respiratoires légères, telles que l’IVRS et la bronchite virale. L’hémoptysie massive est la production de 600 mL de sang (environ un bassin réniforme plein) en 24 h.

Les causes sont nombreuses (voir Tab. 45-2). La bronchite, la bronchectasie, la tuberculose, la pneumonie nécrosante ou l’abcès du poumon représentent 70-90 % des cas. La caverne aspergillaire liée à l’infection par Aspergillus est de plus en plus reconnue comme cause possible mais elle n’est pas aussi fréquente que les tumeurs malignes ; l’hémoptysie chez les fumeurs de plus de 40 ans doit évoque un cancer primitif du poumon. Les cancers métastatiques entraînent rarement des hémoptysies. Le syndrome de Goodpasture et le syndrome hémorragique alvéolaire diffus (voir p 485), l’embolie et l’infarctus pulmonaire voir p 412) ainsi que l’insuffisance cardiaque gauche (en particulier secondaire à un rétrécissement mitral) sont des causes moins fréquentes d’hémoptysie. L’hémoptysie est rare dans l’insuffisance cardiaque mais se produit parfois consécutivement à l’hypertension veineuse pulmonaire et à l’insuffisance ventriculaire gauche. L’adénome bronchique primitif et les malformations artérioveineuses sont rares mais ont tendance à favoriser des hémorragies importantes. Très rarement l’hémoptysie peut se produire au cours des règles du fait d’une endométriose intrathoracique (hémoptysie cataméniale).

Bilan

Anamnèse :

L’objectif principal est de distinguer l’hémoptysie de l’hématémèse et des hémorragies provenant du nasopharynx et de l’oropharynx. Cette distinction peut généralement être faite à partir de l’anamnèse et de l’examen clinique. Des antécédents de tabagisme prolongé doivent évoquer une pathologie maligne. La sensation du patient sur l’origine de l’hémorragie permet d’identifier son origine si elle provient d’un des lobes supérieurs.

Examen clinique :

L’examen clinique se concentre sur l’élimination des hémorragies des voies aériennes supérieures et sur l’auscultation des poumons pour détecter des anomalies localisées pouvant indiquer l’origine de l’hémorragie. Toutefois, le sang provenant de n’importe quelle région anatomique peut être inhalé dans les poumons.

Examens complémentaires :

Les patients qui présentent une hémoptysie mineure peuvent réaliser les examens complémentaires en ambulatoire. La rx du thorax est indispensable. Les patients dont les résultats sont normaux, avec des antécédents compatibles et une hémoptysie modérée peuvent bénéficier d’un traitement empirique pour la bronchite. Ceux ayant des résultats anormaux et ceux ayant des antécédents incompatibles doivent passer une TDM et une bronchoscopie. La TDM peut révéler des lésions pulmonaires non visibles à la rx duthorax et permet de localiser les lésions en prévision d’une bronchoscopie et d’une biopsie ultérieure. Une scintigraphie ventilation/perfusion ou un angioscanner peut confirmer le diagnostic d’embolie pulmonaire ; l’angiographie pulmonaire et l’angio-scan peuvent également révéler des fistules artérioveineuses pulmonaires. Lorsque l’étiologie n’est pas claire, l’inspection fibroscopique du pharynx, du larynx, de l’œsophage et/ou des voies aériennes peut être nécessaire pour distinguer l’hémoptysie de l’hématémèse et des hémorragies provenant du nasopharynx ou de l’oropharynx.

Les patients qui présentent une hémoptysie massive nécessitent un traitement et une stabilisation de leur état avant les examens complémentaires. L’étiologie des hémoptysies reste inconnue dans 30-40 % des cas. Le pronostic d’une hémoptysie cryptogénique est généralement favorable, l’hémorragie disparaît le plus souvent dans les six mois suivant le bilan.

Traitement

Les deux objectifs du traitement sont de prévenir l’inhalation de sang dans le poumon non atteint (risque d’asphyxie) et de prévenir l’épanchement sanguin lié à une hémorragie persistante.

La protection du poumon non atteint peut être difficile car le siège de l’hémorragie  est souvent inconnu. Les stratégies comprennent des manœuvres de positionnement (par ex. patient en décubitus avec le poumon lésé dans une position dépendante), l’intubation et l’occlusion sélective de la bronche du côté du poumon atteint.

La prévention de l’épanchement sanguin nécessite la prise en charge de toute pathologie hémorragique et des efforts directs pour stopper l’hémorragie. Les troubles de la coagulation peuvent être traités par la transfusion de plasma frais congelé, de facteurs spécifiques ou des plaquettes. Le traitement au laser, la cautérisation, l’injection directe d’adrénaline ou d’hormone antidiurétique peut être réalisée lors d’une bronchoscopie.

L’hémoptysie massive est l’une des rares indications de la bronchoscopie rigide. La bronchoscopie rigide permet la surveillance des voies aériennes, donne un champ visuel plus large qu’une bronchoscopie souple, permet une meilleure aspiration et est plus adaptée à des interventions thérapeutiques, telles que le traitement laser. L’embolisation d’un segment pulmonaire est devenue la méthode préférée pour stopper une hémoptysie massive, les taux de succès allant jusqu’à 90 %. L’intervention chirurgicale en urgence est appropriée dans l’hémoptysie massive non contrôlée par une bronchoscopie rigide ou par l’embolisation. Elle est généralement considérée en dernier recours.

La résection précoce peut être nécessaire en cas d’adénome ou de carcinome bronchique. La broncholithiase (érosion d’un ganglion calcifié dans la bronche adjacente) peut nécessiter une résection pulmonaire si l’ablation endobronchique de la lithiase n’est pas réalisable par la bronchoscopie rigide. L’hémorragie secondaire à une insuffisance cardiaque ou à un rétrécissement mitral répond généralement au traitement spécifique de l’insuffisance cardiaque mais, dans de rares cas, une commissurotomie mitrale est nécessaire en cas d’hémoptysie due à une sténose mitrale avec pronostic vital en jeu. Les hémorragies dans l’embolie pulmonaire sont rarement importantes et cessent presque toujours spontanément. En cas d’emboles récidivants avec persistance de l’hémorragie, le traitement anticoagulant peut être contre indiqué. La mise en place d’un filtre dans la veine cave inférieure constitue alors un traitement de choix.

Les hémorragies dans la dilatation des bronches sont généralement dues à une infection. Le traitement repose sur une antibiothérapie approprie et sur le drainage postural.

Les sédatifs et les opiacés inhibent la commande ventilatoire et doivent être évités.

TAB. 45.2. DIAGNOSTIC DIFFRENTIEL D’HEMOPTYSIE

Larynx et pharynx

-    Carcinome

-    Lymphome

-    Ulcération tuberculeuse

Trachée et grosses bronches

-    Bronchite aigue sévère

-    Broncholithiase

-    Erosion liée à un anévrisme aortique

-    Erosion liée à une nodosité caséocalcifique

-    Erosion liée à une tumeur ayant un développement régional (ganglionnaire), tumeur de l’œsophage, ou d’autres structures médiastinales

-    Kyste bronchogène

-    Télangiectasies

-    Traumatismes

-    Tumeur primitive bénigne ou maligne (carcinome et adénome)

Structures bronchiques plus petites

-    Adénome (carcinoide ou cylinfromateux)

-    Bronchectasie

-    Bronchite aigue

-    Bronchite chronique

-    Carcinome

-    Séquestration bronchopulmonaire

-    Traumatismes

Parenchyme pulmonaire

-    Abcès

-    Boule fongique (aspergillome) dans une cavité ancienne

-    Granulomatose active (tuberculeuse, fongique, parasitaire, syphilitique)

-    Hémosidérose idiopathique

-    Infarctus

-    Pneumonie aigue

-    Syndrome de Goodpasture ou ses variantes

-    Traumatismes

-    Tumeur primitive ou métastatique

Cœur et vaisseaux sanguins

-    Anévrisme aortique avec épanchement pulmonaire

-    Embolie/infarctus pulmonaire

-    Hypertension pulmonaire primitive

-    Insuffisance ventriculaire gauche

-    Malformation pulmonaire artérioveineuse

-    Médiastinite fibreuse avec obstruction de la veine pulmonaire

-    Myxome auriculaire

-    Sténose mitrale

Diathèse hémorragique

-    Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD)

-    Déficit en facteurs vitamine K-dépendants : prothrombine (II), facteur de Stuart (X), facteur VII, facteur Christmas (IX), (NDT : ou facteur antihémophilique B)

-    Diverses anomalies congénitales de la coagulation

-    Thrombocytopénie

-    Traitement anticoagulant

-    Traitement fibrinolytique : urokinase, streptokinase.

NODULE PULMONAIRE SOLITAIRE

Le nodule pulmonaire solitaire est défini comme une lésion < 3 cm de diamètre complètement entourée par le parenchyme pulmonaire, qui ne touche pas le hile ou le médiastin et n’est pas associée à une atélectasie ou à un épanchement pleural (pour le bilan d’une masse médiastinale, voir p 505).

Les nodules pulmonaires solitaires sont en général détectés de façon fortuite lors d’une rx du thorax prescrite pour une autre raison.

Les causes de nodule pulmonaire solitaire sont nombreuses. Les causes malignes sont le cancer primitif du poumon (généralement adénocarcinome ou carcinome à petites cellules) et le cancer métastatique (cancer du sein, mélanome ; cancer du côlon, du rein ou du testicule ; sarcome ; cancer de la tête et du cou). La probabilité de malignité augmente avec l’âge.

Les causes non malignes sont le granulome infectieux, la tuberculose, l’infection mycobactérienne atypique, l’histoplasmose, la coccidiodomycose, la blastomycose, les tumeurs bénignes (hamartome, lipome), les connectivites polyarthrite rhumatoide (PR) granulomatose de Wegener, les infections parasitaires : dirofilariose (ver chez le chien), ascaridiose, infection par pneumocystis jiroveci (auparavant appelé P. carinii), et les malformations artérioveineuses pulmonaires. Les densités des tissus mous non pulmonaires provoquées par les ombres mammaires, les verrues, les nodules cutanés et les anomalies osseuses sont souvent confondues avec un nodule sur la rx du thorax.

Bilan

L’objectif principal du bilan est de détecter une tumeur maligne et une infection active.

Anamnèse : l’âge élevé, le tabagisme actuel ou passé et les antécédents de pathologie maligne augmentent la probabilité de malignité. Ces facteurs de risque (pls la taille du nodule) ont été utilisés pour estimer le risque et la probabilité de pathologie maligne (voir Tab. 45.3.). L’anamnèse peut apporter d’autres informations qui orientent vers une cause sous jacente (par ex. antécédents du cancer du côlon, du sein ou du rein traité) mais, en général, n’est pas utile pour déterminer la cause lorsque les principaux facteurs de risque ont été exclus.

Examen clinique :

Un examen clinique complet peut identifier des éléments qui orientent vers la cause sous jacente d’un nodule pulmonaire, mais il ne permet pas toujours d’en déterminer la cause.

Examens complémentaires :

Quatre caractéristiques radiographiques permettent d’affiner le diagnostic différentiel d’un nodule pulmonaire solitaire : taux de croissance ; aspect des calcifications, si elles existent ; bords ; taille du nodule. Ces caractéristiques sont parfois évidentes sur la rx standard mais nécessitent normalement de réaliser une TDM. La TDM permet également de distinguer les opacités pulmonaires des opacités pleurales visibles à la rx. La TDM a une sensibilité de 70 % et une spécificité de 60 % pour le diagnostic de tumeurs malignes.

Le taux de croissance est déterminé en comparant les images aux rx du thorax ou TDM antérieurs, s’ils sont disponibles. Une lésion qui n’a pas augmenté en plus de 2 ans évoque une étiologie bénigne. Des tumeurs qui doublent de volume entre 21 et 400 jours sont probablement malignes. Les petits nodules doivent être surveillés annuellement pendant 2 ans.

Les calcifications sont évocatrices de pathologie bénigne, en particulier si elles sont centrales (tuberculome, histoplasmome), concentriques (séquelles d’histoplasmose) ou avec un aspect en pop-corn (hamartome). Le scanner est souvent nécessaire pour visualiser ces différents aspects. La forme des bords est également évocatrice. Des bords spiculés ou irréguliers (festonnés) sont plus évocateurs de malignité. Un diamètre de moins de 1,5 cm est très évocateur d’une pathologie bénigne ; alors qu’un diamètre de plus de 5,3 cm évoque une pathologie maligne.

L’intérêt du TEP dans le bilan n’est pas encore bien défini. Il présente une sensibilité de plus de 90 % et une spécificité de près de 78 % pour la détection de tumeurs malignes. Cependant c’est une technique relativement nouvelle et sa place dans l’évaluation des nodules pulmonaires reste encore à préciser. Le TEP peut donner des faux négatifs notamment en cas de tumeurs inactives au niveau métabolique. Des faux positifs peuvent être observés dans de nombreuses causes infectieuses et pathologies inflammatoires.

Lorsque l’anamnèse ou l’apparence radiographique ne permettent pas de conclure, la biopsie et les cultures peuvent être utiles, mais généralement uniquement si l’anamnèse indique la possibilité d’une tuberculose ou dune coccidioidomycose. Bien que les cancers puissent être diagnostiqués par la biopsie, le traitement définitif est la résection. Les examens complémentaires invasifs doivent être réservés aux patients pour lesquels on suspecte une pathologie bénigne.

Traitement

Si la suspicion de malignité est très faible, les lésions très petites (< 1 cm), ou bien si le patient refuse ou n’est pas candidat à une intervention chirurgicale, la surveillance est acceptable. Un suivi avec une surveillance à 3 mois, 6 mois, puis tous les ans pendant 2 ans est recommandé. Si la lésion n’a pas augmenté sur plus de 2 ans, elle est probablement bénigne. Lorsque le cancer est la cause la plus probable ou lorsque les causes bénignes sont peu probables, les patients doivent subir une résection, sauf si la chirurgie est contre-indiquée en raison d’une altération de la fonction respiratoire, de comorbidités ou de retrait du consentement.

TAB. 45.3. COMMENT ESTIMER LA PROBABILITE DE MALIGNITE D’UN NODULE PULMONAIRE SOLITAIRE

  1. I.       Etablir la probabilité (P)* de malignité à l’aide du tableau suivant :

SIGNE – PROBABILITE DE MALIGNITE – SIGNE – PROBABILITE DE MALIGNITE

Diamètre du nodule (cm)

< 1,5       0,1

1,5-2,2     0,5

2,3-3,2     1,7

3,3-4,2     4,3

4,3-5,2     6,6

5,3-6,0     29,4

Age du patient

<= 35       0,1

36-44       0,3

45-49       0,7

50-59       1,5

60-69       2,1

70-83       5,7

Histoire du tabagisme

-    N’a jamais fumé               0,15

-    Pipe ou cigare seulement     0,3

-    Ex-fumeur de cigarettes 1,5

Fumeur actuel ou ayant arrêté de fumer les 9 dernières années

Nombre moyen de cigarettes par jour :

1-9         0,3

10-20       1,0

21-40       2,0

>= 41       3,9

Arrêt de la cigarette

<+ 3        1,4

4-6         1,0

7-12        0,5

>=13        0,1

Prévalence globale

-    Cadres cliniques       0,7

-    Enquêtes de communauté 0,1

  1. II.     Multiplier la P par le diamètre du nodule, l’âge du patient, l’histoire du tabagisme, et la prévalence du cancer pour obtenir une estimation de la probabilité de malignité d’un nodule pulmonaire solitaire (probabilité CA) ;

Càd, probabilité CA = TP taille * P âge * P tabagisme * P prev.

  1. III.    Convertir la probabilité en probabilité cancer :

Probabilité de cancer (PCA) = Probabilité CA / (1 + Probabilité CA)

Pour un patient âgé de 65 ans qui fume un paquet de cigarettes (20) par jour et qui présente un nodule de 2,0 cm :

  1. I.       P taille = 1,5 ;

P âge = 2,1 ;

P tabagisme = 1,0 ;

P prev = 0,7

  1. II.     Probabilité CA = (1,5 * 2,1 * 1,0 * 0,7) / 1 = 2,21 / 1
  2. III.    PCA (%) = 2,21 / (1 + 2,21) * 100 = 69 %

*La P est une mesure estimant dans quelle mesure un signe est prédictif de la maladie et est définie comme la probabilité de présenter ledit signe chez un patient atteint de la maladie divisée par la probabilité de présenter ce signe chez un patient sans maladie ; c’est-à-dire qu’il s’agit du rapport entre les vrais positifs et les faux positifs ou entre la sensibilité et la spécificité.

D’après Cummings, SR, Lillington, GA, Richard, RJ: Estimating the probability of malingnancy in solitary pulmonary nodules. A. Bayesian approach. The American Review of Respiratory Disease 134 (3): 449-452, 1986.

 

STRIDOR

Le stridor est un bruit inspiratoire de tonalité élevée, préférentiellement lié à l’obstruction des voies aériennes supérieures extra-thoraciques. Chez l’enfant, la cause la plus fréquente est l’épiglottite, le croup ou l’inhalation d’un corps étranger. Les causes les plus fréquentes chez l’adulte sont le dysfonctionnement des cordes vocales, l’œdème ou la paralysie des cordes vocales après extubation, les tumeurs laryngées, les réactions allergiques, l’inhalation d’un corps étranger et l’abcès rétropharyngé.

Bilan

Anamnèse

Des maux de gorge et une fièvre sont évocateurs d’abcès ; des maux de gorge, une fièvre et une hypersialorrhée orientent vers une épiglottite. Une IVRS récente et la toux sont évocatrices de croup. La dysphonie oriente vers une tumeur laryngée. Un début brutal évoque une réaction allergique aigue ou l’inhalation d’un corps étranger.

Examen clinique

L’examen clinique doit tout d’abord permettre d’évaluer la perméabilité des voies aériennes. L’examen clinique comprend la mesure des fonctions  vitales et doit rechercher des signes de lutte tels que l’utilisation des muscles accessoires et le tirage intercostal. Le stridor inspiratoire évoque une obstruction de la trachée, du larynx ou de l’épiglotte et constitue généralement une urgence médicale, alors que le stridor expiratoire évoque une obstruction bronchique.

Examens complémentaires

Les examens complémentaires doivent comprendre l’oxymétrie du pouls et la rx du thorax et du cou. La rx des tissus mous latéraux du cou peut diagnostiques une épiglottite. La rx peut également permettre d’identifier des corps étrangers au niveau du cou ou du thorax. La confirmation de la cause du stridor peut nécessiter une laryngoscopie directe pour identifier des anomalies et des tumeurs des cordes vocales. Dans les cas de stridor plus chroniques, les courbes débit-volume permettent de différencier les causes extra thoraciques des causes intrathoraciques.

Traitement

Le traitement du stridor consiste à traiter la cause sous jacente. L’hélium-02 (héliox) améliore les débits aériens et réduit le stridor dans les affections des voies aériennes supérieures, telles que l’œdème laryngé après extubation, le croup et les tumeurs laryngées ; le mécanisme d’action serait une réduction des turbulences du flux aérien résultant de la densité faible de l’hélium par rapport à la densité de l’O2.

 
DYSFONCTION DES CORDES VOCALES

Le mouvement paradoxal des cordes vocales est l’adduction des cordes vocales à l’inspiration et l’abduction à l’expiration ; ceci entraîne une obstruction inspiratoire fonctionnelle des voies aériennes et un stridor souvent confondu avec l’asthme. Ce trouble se manifeste fréquemment chez les patients souffrant de pathologie psychiatrique. Le diagnostic est posé en observant la fermeture inspiratoire des cordes vocales à la laryngoscopie directe. Le traitement comprend l’information du patient sur cette dysfonction ; l’éducation par un orthophoniste portant sur des techniques spécifiques de respiration, telles que le « panting » (respiration rapide), qui peut soulager les épisodes de stridor et d’obstruction ; il faut éviter de confondre et de traiter ce trouble comme un asthme.

 

WHEEZING

Le wheezing est à la fois un symptôme et un signe de l’examen physique. Le wheezing est observé en cas de rétrécissement des voies aériennes. L’asthme constitue la cause de wheezing la plus classique. Le wheezing peut cependant être également présent dans la BPCO, l’insuffisance cardiaque (asthme cardiaque), la bronchiolite de l’enfant, l’anaphylaxie, les inhalations toxiques, l’inhalation de corps étrangers, la trachéomalacie, ou le dysfonctionnement des cordes vocales.

Bilan

Anamnèse

On considère normalement qu’un wheezing chez un patient souffrant d’asthme ou de BPCO connue est un signe d’exacerbation de la pathologie. Des antécédents de toux, d’écoulement nasal postérieur, d’exposition à des allergènes ou à des gaz toxiques ou irritants peuvent être des facteurs déclenchants. Un début brutal sans antécédent de pathologie pulmonaire évoque une réaction allergique ou une réaction anaphylactique imminente. L’aggravation par l’air froid, la poussière, la fumée de cigarette, les parfums ou d’autres facteurs est évocatrice d’asthme.

Examen clinique

Un wheezing localisé est évocateur d’obstructions bronchiques focales dues à une tumeur ou à un corps étranger. Un wheezing diffus indique que l’ensemble des voies aériennes sont atteintes ou que le siège du rétrécissement des voies aériennes se situe au niveau de la trachée ou des cordes vocales. Une urticaire ou un angioedème évoquent une réaction allergique. Une fièvre et des signes d’IVRS évoquent une infection, en particulier la bronchiolite chez les enfants de plus de 2 ans. Des crépitants, une distension des veines jugulaires et des oedèmes périphériques sot évocateurs d’une insuffisance cardiaque.

Examens complémentaires

Il faut réaliser une oxymétrie du pouls et une rx du thorax. L’atélectasie segmentaire ou infrasegmentaire, ou la présence d’un infiltrat évoquent une lésion endobronchique obstructive. Des opacités radiologiques dans les voies aériennes ou des zones localisées d’extension évoquent un corps étranger.

La spirométrie (voir Ch. 46 plus loin) permet de confirmer la limitation du flux aérien et de quantifier sa réversibilité et sa gravité. Les courbes débit-volume permettent de diagnostiquer les obstructions des voies aériennes supérieures, telles que celles provoquées par des tumeurs ou un dysfonctionnement des cordes vocales, et permettent de différencier des obstructions extra-thoraciques et des obstruction intra thoraciques. Une obstruction extra thoracique variable entraîne un aplatissement de la partie inspiratoire de la courbe débit-volume, alors qu’une obstruction intra thoracique variable entraîne un aplatissement de la partie expiratoire (voir Fig 46-3. Et 3f p 369). Les lésions fixes affectent les deux parties (inspiratoire et expiratoire).

Traitement

Le traitement

Le traitement du wheezing repose sur le traitement de la cause sous jacente. Le wheezing lui-même peut être soulagé au moyen de bronchodilatateurs inhalés (par ex. albutérol 2,5 mg solution pour nébulisation ou 180 µg prédosé en inhalation), sauf dans le cas de corps étrangers ou d’anomalies des cordes vocales.

(Manuel Merck)

   

Publié dans MEDECINE

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