Ophtalmologie/2

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Pathologies de la rétine

Pathologies de la cornée

 

PATHOLOGIES DE LA RETINE

La rétine est une structure tissulaire photosensible à l’arrière de l’œil contenant les bâtonnets, les cônes et les terminaisons nerveuses qui transforment la lumière en impulsions nerveuses. Les pathologies de la rétine peuvent impliquer des lésions vasculaires qui entraînent des altérations du nerf optique ou de la choroide, ou encore être idiopathiques. Le décollement de rétine a des causes multiples.

DEGENERESCENCE MACULAIRE LIEE A L’AGE

La DMLA est une atteinte de la macula atrophique ou exsudative. C’est une cause fréquente de la baisse de la vision centrale chez le patient âgé. L’examen du fond de l’œil et l’angiographie à la fluorescéine orientent le diagnostic et guide le traitement.

Etiologie et physiopathologie

La DMLA est la principale cause de perte visuelle chez les personnes âgées. Sa fréquence est plus importante chez les blancs que chez les noirs. On ne connaît pas de facteur systémique prédisposant. Le rôle joué par les maladies cardiovasculaires, l’HTA et les niveaux de cholestérol reste incertain.

Deux formes différentes de DMLA existent : en cas de DMLA atrophique (forme sèche), souvent dénommée atrophie géographique, on observe une pigmentation irrégulière de la région maculaire, sans cicatrice maculaire saillante et sans hémorragie ou exsudat. En cas de DMLA exsudative (la forme humide ou néovasculaire), qui est beaucoup moins fréquente, un réseau sous-rétinien de néovascularisation choroidienne se développe. Ce réseau est souvent associé à une hyperpigmentation de la macula et des drusen séreux. Une élévation localisée de la région maculaire ou un décollement de l’épithélium pigmentaire sont provoqués par une accumulation de liquide ou une hémorragie. Ce réseau finit par laisser une cicatrice saillante visible au pôle postérieur.

90% des cas de cécité de DMLA sont dus aux 10% de cas de DMLA exsudative.

Symptomatologie et diagnostic

Les 2 formes de DMLA sont souvent bilatérales et précédées et précédées par l’apparition de drusen (petits dépôts jaunes qui se forment sous la rétine). En cas de DMLA atrophique, l’acuité visuelle centrale baisse lentement et sans douleur. Une baisse rapide de la vue est plus caractéristique de la DMLA exsudative. Bien que la vision périphérique et la vision de couleur ne soient généralement pas modifiées, le patient peut être atteint d’une cécité légale (vision de l’œil atteint moins de 20 sur 200). Le premier symptôme de la DMLA exsudative est l’apparition de déformations visuelles unilatérales (métamorphopsies), qui peuvent être détectées grâce à la grille d’Amsler. Des scotomes centraux se développent généralement tôt en cas de DMLA atrophique. L’examen du fond de l’oeil montre des anomalies pigmentaires ou hémorragiques de la région maculaire de l’œil atteint. L’œil adelphe présente presque toujours des anomalies pigmentaires et des drusen dans l’aire maculaire. Les autres anomalies observées peuvent être un décollement de rétine, des exsudats lipidiques, une atrophie tissulaire et des cicatrices maculaires.

La DMLA est diagnostiquée devant l’aspect clinique de la rétine. L’angiographie à la fluorescéine identifie la membrane néovasculaire choroidienne sous la rétine.

Traitement et pronostic

La DMLA atrophique entraîne une baisse de la vision modérément progressive, mais n’entraînent que rarement la cécité. Il n’existe pas de recommandations thérapeutiques, mais le patient présentant un risque d’évolution vers une forme avancée de la maladie (grand drusen ou pigmentation irrégulière de la macula) peut tirer un bénéfice d’apports alimentaires quotidiens d’oxyde de zinc (80 mg) avec du cuivre (2 mg), de la vitamine C (500 mg), de la vitamine E (400 UI) et du beta-carotène (15 mg). Le beta-carotène peut induire une anémie, une hypertrophie prostatique, une incontinence à l’effort et, chez les fumeurs, une augmentation du risque de cancer du poumon.

Si la DMLA exsudative n’est pas traitée, la vision se détériore généralement de façon importante, souvent jusqu’à la cécité. Cependant la vision périphérique est généralement conservée. Les résultats du traitement dépendent de la taille, de la topographie et du type de la néovascularisation. La photocoagulation thermique au laser d’une néovascularisation en dehors de la fovéa peut prévenir une perte sévère de la vision. La thérapie photodynamique, un traitement au laser, peut être proposée dans certains cas spécifiques. Le pegaptanib est un nouveau médicament injectable bloquant de façon sélective la croissance de l’endothélium vasculaire et peut être utilisé pour le traitement de la DMLA néovasculaire. D’autres traitements ont été évalués, comme la thermothérapie transpupillaire, la chirurgie sous-rétinienne et la chirurgie de translocation maculaire.

Pour le patient qui a perdu la vision centrale, des dispositifs adaptés à la mauvaise vision tels que des loupes, des lunettes à fort grossissement, des écrans d’ordinateur et des lentilles télescopiques sont disponibles. Une consultation de basse vision est pré préconisée.

OCCLUSION DE L’ARTERE CENTRALE DE LA RETINE

L’occlusion de l’artère centrale de la rétine est souvent due à un embole. Son symptôme est la cécité soudaine, indolore et unilatérale. Le diagnostic est fait par l’anamnèse et les signes rétiniens caractéristiques lors de l’examen du fond de l’œil. Une diminution de la pression intraoculaire (PIO) est tentée dans les 24 premières heures de survenue de l’occlusion.

L’occlusion artérielle rétinienne peut être due à un embole issu de plaques d’athérosclérose, d’endocardite, d’embole graisseuse, de myxome de l’oreillette ou de thrombose de l’artère rétinienne, un embole graisseux. L’artérite temporale est une autre cause importante.

Symptomatologie et diagnostic

L’occlusion artérielle rétinienne entraîne une cécité ou une anomalie du champ visuel soudaine et indolore.

La pupille réagit faiblement à la lumière directe, alors qu’elle se contracte brutalement quand l’autre œil est éclairé. Dans les cas aigus, le fond d’œil est pâle, alors que la fovea est rouge vif (tache rouge cerise). Habituellement, les artères sont grêles et peuvent sembler non perfusées. L’embole est parfois visible si l’occlusion ne touche qu’une grosse branche et non le tronc de l’artère centrale, les anomalies du fond de l’œil et la perte de vision sont limitées au territoire correspondant. La VS est utile pour éliminer l’artérite temporale.

Traitement et pronostic

Un traitement immédiat est indiqué si l’occlusion est survenue moins de 24 h auparavant. Au-delà de 72 h, il est improbable que l’augmentation de la perfusion améliore la vision. Après un infarctus rétinien, la cécité est définitive. La diminution de la pression intraoculaire (PIO) par des produits hypotenseurs (timolol 0,5% en traitement local, acétazolamide 500 mg IV ou PO), par massage digital intermittent du globe à travers les paupières ou par paracentèse de la chambre antérieure, peut réussir à déplacer un embole et permettre sa migration dans une branche de division plus périphérique, réduisant ainsi la zone d’ischémie rétinienne. Le traitement des occlusions de l’artère de la rétine entraîne rarement l’amélioration de l’acuité visuelle. Le patient atteint d’une occlusion secondaire à l’artérite temporale doit recevoir des corticoides systémiques.

OCCLUSION DE LA VEINE RETINIENNE CENTRALE

L’occlusion de la veine centrale de la rétine est le blocage de la veine centrale de la rétine par un thrombus, et se produit généralement chez les personnes âgées. Sa symptomatologie est une perte de la vue soudaine et indolore. Le diagnostic se fait par l’examen du fond de l’œil. La plupart des traitements sont sans efficacité ou non prouvés.

Le glaucome, le diabète, l’HTA, l’hypervoscosité sanguine et l’élévation de l’Hte sont des facteurs prédisposants. L’occlusion peut également être idiopathique. La maladie est rare chez les personnes jeunes.

Une néovascularisation de la rétine ou de l’iris (rubéose irienne) provoquant un glaucome secondaire (néovasculaire) peut se développer dans les semaines ou les mois suivant l’occlusion. Une hémorragie du corps vitré peut survenir en présence d’une néovascularisation de la rétine.

Symptomatologie et diagnostic

La baisse de l’acuité visuelle indolore peut être soudaine ou survenir progressivement sur une période de quelques jours à quelques semaines. A l’examen du fond de l’œil, les veines rétiniennes apparaissent distendues et tortueuses, le fond de l’œil est congestif et oedématié et nombre d’hémorragies rétiniennes apparaissent. Ces signes sont limités à un quadrant si l’obstruction n’intéresse qu’une seule branche de la veine centrale rétinienne.

Traitement et pronostic

Le patient chez lequel la perfusion rétinienne normale est rétablie peut retrouver une vision normale. L’amélioration de la vision s’effectue en un temps variable. Lorsque la perfusion est très diminuée, le risque de complications est plus élevé et la perte visuelle plus importante. L’acuité visuelle initiale lors de la survenue de la maladie est un bon élément pronostique de la vision finale. Si l’acuité visuelle est au début d’au moins 20/40, elle restera probablement bonne. Lorsque l’acuité visuelle est inférieure à 20/200, elle ne s’améliorera pas ou même se détériorera dans 80% des cas.

Il n’y a pas de traitement médical unanimement accepté à moins que la néovascularisation ne se développe. Dans ce cas, la photocoagulation panrétinienne doit être initiée, ce qui peut réduire les hémorragies intravitréennes et prévenir un glaucome néovasculaire.

RETINOPATHIE DIABETIQUE

RETINOPATHIE HYPERTENSIVE

DECOLLEMENT DE RETINE

Le décollement de la rétine est la séparation du neuroépithélium de l’épithélium pigmentaire sous-jacent. Les symptômes en sont une diminution de la vision périphérique ou centrale, souvent brutale et décrite comme la « chute d’un rideau ». Les symptômes associés sont des troubles indolores de la vision, comprenant des points lumineux et nombre de corps flottants. Le diagnostic est affirmé par l’examen du fond d’œil. L’échographie oculaire détermine l’étendue de la lésion. Un traitement immédiat pour remettre la rétine en place est impératif si la vision centrale est menacée. Le traitement comprend des corticoides systémiques. La fermeture des trous de la rétine par laser, diathermie, cryoapplication, l’identation sclérale, la cryopexie transconjonctivale, la photocoagulation, la rétinopexie pneumatique, la chirurgie intravitréenne, l’énucléation en fonction de la cause de la topographie et de l’évolution de la lésion. La plupart des lésions précoces sont réversibles. Lorsque la macula est décollée et que la vision a diminué, le traitement est moins urgent.

Le décollement rhegmatogène signifie la présence d’une déchirure rétinienne. Les déchirures surviennent surtout dans la myopie, ou après chirurgie de la cataracte, ou encore après un traumatisme oculaire.

Le décollement non rhegmatogène (décollement sans déchirure est consécutif à une traction vitréorétinienne (par exemple dans la rétinopathie proliférante du diabète ou de la drépanocytose), ou à une transsudation liquidienne vers l’espace sous-rétinien (par exemple uvéite grave, surtout dans le cadre de la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada (VKH), ou tumeurs choroidiennes primitives ou métastatiques).

Symptomatologie et diagnostic

Le décollement de rétine est indolore. Les symptômes prémonitoires comprennent la perception d’images sombres ou irrégulières dues à des corps flottants dans le corps vitré, d’éclairs lumineux et d’un brouillard visuel. Quand le décollement s’étend, le patient se plaint d’une sensation de voile ou de rideau dans le champ visuel. Si la macula est atteinte, l’acuité visuelle centrale s’effondre. L’examen du fond de l’œil peut montrer des irrégularités rétiniennes et une élévation bulleuse de la rétine, associée à un assombrissement des vaisseaux.

Le décollement de rétine est suggéré par les symptômes et les résultats de l’examen du fond de l’œil. Le fond d’œil indirect avec dépression sclérale est effectué pour détecter les déchirures et les décollements périphériques.

Quand une hémorragie du corps vitré due à une déchirure rétinienne masque la rétine, le décollement de rétine doit être suspecté et une échographie B doit être réalisée.

Traitement

Bien que souvent localisés, les décollements de rétine dus à une déchirure rétinienne, s’ils ne sont pas rapidement traités, peuvent s’étendre à toute la rétine. Tout patient chez qui le diagnostic de décollement de rétine est suspecté ou établi doit être vu en urgence par un ophtalmologiste.

Le décollement rhegmatogène est traité en obstruant les trous ou les déchirures rétiniens au laser, par diathermie ou cryoapplication. L’œil peut être traité par cerclage, au cours duquel l’accumulation liquidienne sous-rétinienne peut être drainée. Des déchirures de la rétine antérieure, sans décollement, peuvent être traitées par cryopexie transconjonctivale. Les déchirures postérieures peuvent être fixées par photocoagulation. Plus de 90% des décollements rhegmatogèness peuvent être réappliqués chirurgicalement. Si la déchirure est située en 2/3 supérieurs, les décollements simples peuvent être traités par rétinopexie pneumatique (une intervention ambulatoire).

Les décollements non rhegmatogènes dus à une traction vitréorétinienne sont accessibles à la vitrectomie chirurgicale. Les décollements transsudatifs dus à une uvéite peuvent répondre aux corticoides systémiques. Les néoplasies primitives de la choroide sont accessibles à la photocoagulation localisée. Les néoplasies choroidiennes métastatiques, provenant le plus souvent du sein, du poumon ou du système digestif, peuvent bien répondre à une radiothérapie.

RETINITE PIGMENTAIRE

La rétinite pigmentaire est une dégénérescence lente bilatérale de la rétine et de l’épithélium pigmenté. L’origine génétique de cette anomalie n’est que partiellement comprise. Les symptômes comprennent une cécité nocturne et une diminution du champ visuel. Le diagnostic est établi grâce aux résultats de l’examen du fond de l’œil, qui montre des amas pigmentaires noirs étoilés équatoriaux, des artères rétiniennes grêles, une papille jaune cireuse, des opacités dégénératives du corps vitré, éventuellement associés à une cataracte et une myopie. L’électrorétinogramme (ERG) est indispensable au diagnostic différentiel. Il n’y a pas de traitement efficace.

La rétinite pigmentaire semble être due à une anomalie des gènes codant les protéines de la rétine. La transmission peut être autosomique dominante, récessive ou plus rarement, reliée au chromosome X. Elle peut faire partie d’un syndrome (Bassen-Kornzweig, Laurence-Moon).

Symptomatologie et diagnostic

Les bâtonnets de la rétine sont atteints, entraînant une baisse de la vision nocturne qui peut devenir symptomatique lors de la petite enfance. Un scotome annulaire (détecté par l’étude du champ visuel) s’élargit progressivement, si bien que la vision centrale finit par être atteinte.

Le signe ophtalmoscopique le plus évocateur est une pigmentation noire étoilée de la rétine équatoriale. Les artères de la rétine sont souvent grêles, la macula peut développer un œdème kystique et la papille a parfois un aspect jaune cireux. Les autres manifestations peuvent comprendre des opacités dégénératives du corps vitré, une cataracte et une myopie. La rétinite pigmentaire peut être associée à une surdité congénitale.

Le diagnostic est facilité par des examens complémentaires (adaptation à l’obscurité, électrorétinogramme ERG). D’autres rétinopathies pouvant simuler la rétinite pigmentaire doivent être éliminées (celles associées à la syphilis, à la rubéole, aux effets toxiques de la chloroquine). Les membres de la famille doivent être examinés pour établir le mode de transmission. Les familles avec des antécédents peuvent souhaiter un conseil génétique et un dépistage des membres atteints de la famille.

Traitement

Aucun traitement ne ralentit l’évolution de la dégénérescence rétinienne de la rétinite pigmentaire. La perte de la vision est généralement lente mais continue. La vue baisse à mesure que la macula est atteinte et aboutit généralement à la cécité légale.

 

PATHOLOGIES DE LA CORNEE

La cornée peut être atteinte par une infection, une inflammation non infectieuse, une ulcération, une lésion mécanique ou agressions reliées à l’environnement. L’infection (kératite), souvent accompagnée d’une conjonctivite secondaire, peut être due à des virus, bactéries, Acanthamoeba ou champignons. L’ulcération est un signe habituel de progression de la kératite. L’évaluation de la cornée nécessite un examen à la lampe à fente et, parfois, des examens microbiologiques.

KERATOPATHIE BULLEUSE

En cas de kératopathie bulleuse, on note l’existence de bulles au niveau de l’épithélium cornéen, conséquences d’une pathologie de l’endothélium cornéen.

La kératopathie bulleuse est provoquée par un œdème de la cornée, lié à l’atteinte de l’endothélium cornéen qui maintient normalement la cornée dans un état déshydraté. Le plus souvent, elle est due à la dystrophie de l’endothélium cornéen de Fuchs ou à un traumatisme de l’endothélium cornéen. Les traumatismes de l’endothélium cornéen peuvent apparaître au cours de la chirurgie intraoculaire (chirurgie de la cataracte) ou après la mise en place d’une lentille intraoculaire mal conçue ou mal positionnée, stimulant le développement d’une kératopathie bulleuse. La dystrophie de Fuchs entraîne la perte bilatérale et progressive des cellules endothéliales, induisant parfois une kératopathie bulleuse vers 50-60 ans.

Les bulles sous-épithéliales contiennent beaucoup de liquide formant des tuméfactions à la surface cornéenne et dans le stroma cornéen, ce qui aboutit à un inconfort visuel, une diminution de l’acuité visuelle, une perte de contraste, un éblouissement et une photophobie. Certaines bulles se rompent et sont envahies par des bactéries, provoquant un ulcère cornéen. Le principal symptôme de la rupture est une douleur modérée à sévère.

Les bulles et l’œdème du stroma cornéen sont visibles à l’examen à la lampe à fente.

Le traitement, prescrit par un ophtalmologiste, est à base d’agents déshydratants (sérum physiologique hypertonique), d’agents abaissant la pression intraoculaire PIO et de lentilles de contact souples dans les cas légers à modérés.

ULCERES CORNEENS

Un ulcère cornéen est une nécrose locale de la cornée causée par une infection par des bactéries, des champignons, des virus ou Acanthamoeba. Il peut être consécutif à un traumatisme mécanique ou à des carences nutritionnelles. Les symptômes sont une rougeur progressive, une sensation de corps étranger, une douleur, une photophobie et un larmoiement. Le diagnostic repose sur l’examen à la lampe à fente, le test de coloration du film lacrymal à la fluorescéine et des examens microbiologiques. Le traitement, à base d’antibiotiques locaux et souvent de collyres mydriatiques, est urgent et nécessite l’avis d’un ophtalmologiste.

Etiologie et physiopathologie

Les ulcères cornéens peuvent compliquer une kératite herpétique, une kératite neurotrophique, une blépharite chronique, une kératopathie bulleuse et une pemphigoide cicatricielle. Une stérilisation mal adaptée des lentilles de contact peut être à l’origine de l’infection. Une irritation mécanique peut causer une infection bactérienne, comme le port des lentilles de contact en dormant, un traumatisme de la cornée ou un corps étranger cornéen. Les ulcères peuvent également être provoqués par des anomalies palpébrales comme l’entropion, le trichiasis et l’exposition cornéenne par fermeture incomplète des paupières (lagophtalmie, paralysie de Bell, malformations palpébrales post-traumatiques, exophtalmie). Un ulcère peut être secondaire à une carence en vitamine A ou en protéines.

Un ulcère peut compliquer rarement certains stades de kératite récidivante à Herpes simplex et sera particulièrement réfractaire au traitement. Les ulcères dus à Canthamoeba et les champignons sont indolents mais évolutifs. Ceux provoqués par Pseudomonas aeruginosa développent rapidement une nécrose cornéenne profonde et étendue.

Les ulcères de cornée tendent à cicatriser en laissant place à un tissu fibreux, entraînant une opacification partielle de la cornée et une baisse de l’acuité visuelle. Une uvéite, une perforation cornéenne avec hernie de l’iris, du pus dans la chambre antérieure (hypopyon), une panophtalmie et une perte de l’œil surviennent parfois avec ou sans traitement. Plus l’ulcère est profond, plus les symptômes et les complications sont graves.

Symptomatologie et diagnostic

Des douleurs, une sensation de corps étranger, une photophobie et un larmoiement peuvent être minimes au début.

L’ulcération cornéenne débute par une opacité superficielle grisâtre, bien limitée, se nécrosant et suppurant secondairement, pour aboutir à la formation d’une ulcération excavée. Un défect épithélial est présent et se colore à la fluorescéine. Un cercle périkératique marqué est habituel. Dans les atteintes chroniques, des vaisseaux peuvent se développer à partir du limbe (néovascularisation cornéenne). L’ulcère peut s’étendre à la périphérie de la cornée et/ou pénétrer profondément. Un hypopyon (dépôt de globules blancs GB dans la chambre antérieure) peut survenir.

Les ulcères cornéens dus à Acanthamoeba sont extrêmement douloureux et peuvent présenter des défects transitoires de l’épithélium cornéen, de multiples infiltrats du stroma cornéen, et par la suite, un grand infiltrat annulaire. Les ulcères cornéens fongiques sont plus chroniques que les bactériens et s’accompagnent d’une infiltration dense parfois associée à de petits ilôts d’infiltrats (lésions satellites) à la périphérie.

Le diagnostic est fait sur la découverte d’un infiltrat cornéen avec un défect épithélial coloré à la fluorescéine. Tous les ulcères sauf les petits doivent être mis en culture par grattage avec des spatules stériles en platine (généralement réalisé par un ophtalmologiste).

Traitement

Le traitement de l’ulcère de la cornée quelle qu’en soit la cause débute avec de la moxifloxacine 0,5% ou gatifloxacine 0,3% pour les petits ulcères et un collyre antibiotique fortifié (concentration plus élevée que celle du stock habituel), telles que la tobramycine 15 mg/ml et la céfazoline 50 mg/ml, pour les ulcères plus importants. Une instillation fréquente (4 fois toutes les 15 min, puis une fois toutes les heures au cours de la journée) est nécessaire initialement. L’occlusion est contre-indiquée car elle crée un environnement chaud et à l’abri de la lumière qui favorise la croissance bactérienne et affecte l’administration de traitements locaux.

L’herpès simplex est traité avec la trifluridine 1% en collyre toutes les 2 h pendant la journée ou l’aciclovir 400 mg 5 fois/j PO pendant 10 j. Une goutte de cycloplégique peut être ajoutée.

Les infections fongiques sont traitées grâce aux nombreux collyres antifongiques locaux (natamycine 5% ou amphotéricine B0 15%), initialement toutes les heures dans la journée, toutes les 2 h au cours de la nuit. Les infections profondes peuvent nécessiter une prise orale supplémentaire de kétoconazole, de fluconazole ou d’itraconazole. Si Acanthamoeba est identifié, le traitement traditionnel est la propamidine et la néomycine associée à la miconazole, à la clotrimazole ou à la prise orale de kétoconazole. Un traitement plus récent est le polyhéxaméthyl biguanide 0,02% (ou la chlorhexidine 0,02%) instillé toutes les 1-2 h jusqu’à une amélioration clinique évidente, puis progressivement réduite à 4 fois/j et poursuivi sur quelques mois jusqu’à disparition de l’inflammation. Le polyhéxaméthyl biguanide et la chlorhexidine ne sont pas disponibles en collyres oculaires mais peuvent être préparés en pharmacie.

Dans les cas sévères, le débridement de l’épithélium infecté ou même la kératoplastie transfixiante peut être nécessaire. Le patient non compliant ou présentant de grands ulcères centraux ou réfractaires au traitement peut être hospitalisé.

KERATITE A HERPES SIMPLEX

(kératoconjonctivite à herpex simplex)

La kératite herpétique est une infection de la cornée par le virus herpès simplex. Elle peut atteindre l’iris et récidiver fréquemment. La symptomatologie comprend une sensation de corps étranger, un larmoiement, une photophobie et une hyperhémie conjonctivale. Les récidives peuvent induire une hypoesthésie de la cornée, une ulcération et une cicatrice définitive. Le diagnostic est basé sur l’aspect dendritique caractéristique de l’ulcère cornéen et parfois la culture virale. Le traitement repose sur des agents antiviraux topiques et si nécessaire systémiques.

Symptomatologie et diagnostic

L’infection initiale (primitive) se manifeste généralement par une conjonctivite d’allure banale spontanément résolutive. Une sensation de corps étranger, un larmoiement, une photophobie et une rougeur conjonctivale sont les symptômes initiaux. Une blépharite vésiculaire (des phlyctènes sur la paupière) s’ensuit, les symptômes s’aggravent, la vision devient floue, les phlyctènes se rompent et s’ulcèrent, puis disparaissent sans cicatrice en une semaine environ. La kératite herpétique guérit lentement, en général sur plusieurs semaines. Les récidives prennent généralement la forme d’une kératite épithéliale (également appelée kératite dendritique), accompagnées des mêmes symptômes plus une ulcération caractéristique de l’épithélium cornéen, qui ressemble à une feuille de fougère dentelée et se colore en vert à la fluorescéine. Des récidives multiples peuvent entraîner une hypoesthésie ou une anesthésie de la cornée, une ulcération et une cicatrice définitive.

La kératite disciforme, impliquant le stroma cornéen, est une zone d’œdème et d’opacification cornéenne profonde, de forme circulaire, associée à une uvéite antérieure. Elle peut entraîner des douleurs et une perte visuelle et se produit chez un patient ayant eu une kératite épithéliale. C’est probablement une réaction immunologique à la présence du virus.

Dans la plupart des cas, la découverte d’un ulcère dendritique à la lampe à fente est suffisante pour établir le diagnostic. Lorsque l’aspect n’est pas concluant, le diagnostic définitif peut être établi par culture du virus après grattage de la lésion.

Traitement

Le traitement topique (trifluridine 1% en collyre 9 fois/j) est généralement efficace. Parfois l’aciclovir 400 mg est prescrit à raison de 5 fois/j PO pour des infections récidivantes. Le patient immunodéprimé nécessite généralement des antiviraux IV (acyclovir 5 mg/kg IV 3 fois/j pendant 7 j). Si l’épithélium entourant l’ulcère dendritique est plissé et oedémateux, le débridement par écouvillonnage doux à l’aide d’un bâtonnet ouaté avant le début du traitement médicamenteux peut accélérer la cicatrisation. Les corticoides locaux sont contre-indiqués dans la kératite dendritique, mais ils sont parfois efficaces en association avec un agent anti-viral en cas d’atteinte du stroma (kératite disciforme) ou de l’uvée. L’instillation d’atropine à 1% 3 fois/j est utile en cas d’uvéite. L’examen à la lampe à fente est nécessaire pour le suivi du patient atteint d’une kératite épithéliale virale. S’il n’est pas disponible ou si l’atteinte du stroma ou de l’uvée se produit, l’avis d’un ophtalmologiste est nécessaire.

ZONA OPHTALMIQUE

(zona viral ophtalmique ; zona ophtalmique ; ophtalmie à virus varicelle-zona)

Le zona ophtalmique est une infection à virus varicelle-zona qui touche l’œil. Les symptômes, qui peuvent être importants, comprennent une éruption cutanée frontale et une inflammation douloureuse de tous les tissus du segment antérieur et, rarement, du segment postérieur de l’œil. Le diagnostic se fait sur l’aspect caractéristique de la partie antérieure de l’œil lorsqu’il est accompagné d’une dermatite zostérienne de la première branche du nerf trijumeau. Le traitement est à base d’antiviraux oraux, de mydriatiques et de corticoides locaux.

Le zona du front implique l’œil dans ¾ des cas lorsque le nerf nasal est atteint (comme l’indique une éruption de la pointe du nez) et dans 1/3 des cas lorsqu’elle n’atteint pas la pointe du nez. Globalement l’œil est atteint dans la moitié des cas.

Symptomatologie

Pendant la phase aigue de la maladie, associée à une éruption frontale, on peut trouver un œdème palpébral marqué ; une hyperémie conjonctivale, épisclérale et limbique ; un œdème cornéen ; une kératite épithéliale et stromale ; une uvéite ; un glaucome ; des douleurs. La kératite associée à une uvéite peut être grave et laisser des lésions cicatricielles annulaires. Des séquelles tardives – un glaucome, une cataracte, une uvéite chronique ou récidivante, des cicatrices cornéennes, une néovascularisation et une hypoesthésie cornéenne – sont fréquentes et menacent la vision.

Diagnostic

Le diagnostic est basé sur une éruption aigue caractéristique du zona sur le front ou sur une anamnèse compatible et sur des lésions cutanées atrophiques tardives. Les lésions herpétiques n’ayant pas encore touché l’œil sont un facteur de risque important et nécessitent une consultation ophtalmologique. La culture, des analyse immunologiques ou PCR de peau ou des tests sérologiques ne sont réalisés que lorsque les lésions sont atypiques et le diagnostic incertain.

Traitement

Le traitement précoce par acyclovir 800 mg 5 fois/j PO, ou famciclovir 500 mg, ou valaciclovir 1 g 3 fois/j PO pendant 7 j diminue les complications oculaires. Contrairement à l’herpex simplex, le patient atteint d’une kératite ou une uvéite associée au zona ophtalmique nécessite des corticoides locaux (instillation de dexaméthasone à 0,1% en collyre toutes les 2 h au début, puis toutes les 4-8 h lorsque les symptômes s’améliorent). La pupille doit être maintenue dilatée par collyre d’atropine à 1%, ou de scopolamine à 0,25%, 1 goutte 3 fois/j. La pression intraoculaire (PIO) doit être surveillée et traitée si elle monte au-dessus des valeurs normales.

L’utilisation à court terme de corticoides oraux à haute dose pour prévenir la névralgie postherpétique chez les patients de plus de 60 ans et en bonne santé reste controversée.

KERATITE INTERSTITIELLE

(kératite parenchymateuse)

La kératite interstitielle est une inflammation chronique, non ulcérante des couches profondes de la cornée (càd stroma) qui est parfois associée à une uvéite. La cause est généralement infectieuse. Les symptômes sont une photophobie, des douleurs, un larmoiement et une baisse progressive de la vision. Le diagnostic se fait à l’examen à la lampe à fente et avec des tests sérologiques pour déterminer la cause. Le traitement vise la cause et peut nécessiter des corticoides locaux.

La kératite interstitielle, autre manifestation de certaines infections de la cornée, est rare aux USA. La plupart des cas surviennent chez l’enfant comme complication tardive d’une syphilis congénitale. Au stade ultime, l’atteinte oculaire peut se bilatéraliser. Une kératite bilatérale similaire mais moins graves est retrouvée en cas de syndrome de Cogan, de maladie de Lyme et d’infection au virus d’Epstein-Barr. Plus rarement, la syphilis acquise ou la TB peuvent être responsables d’une forme unilatérale chez l’adulte.

Symptomatologie et diagnostic

La photophobie, les douleurs, le larmoiement et la baisse progressive de la vision sont fréquents. La lésion débute dans les couches moyennes de la cornée (càd stroma). Généralement avec la syphilis et occasionnellement dans les autres causes, la cornée dans sa totalité développe un aspect de verre dépoli, cachant l’iris. Une néovascularisation se développe à partir du limbe et forme des zones rouge orangé (des plaques saumonées). L’uvéite antérieure et la choroidite sont fréquentes dans la kératite syphilitique interstitielle. La néovascularisation et l’inflammation commencent généralement à régresser après 1-2 mois. Une certaine opacité cornéenne persiste généralement, causant une diminution de la vision légère à modérée.

L’étiologie spécifique doit être déterminée. Les stigmates de la syphilis congénitale, les symptômes vestibulo-auditifs, les antécédents d’une éruption cutanée et l’exposition à des tiques supposent une étiologie spécifique. Cependant, tous les patients doivent avoir un examen sérologique, comprenant le test d’absorption de fluorescéine d’Ac Treponema fluorescent ou le dosage de microhémagglutination pour Treponema pallidum, une sérologie de Lyme et un panel d’Epstein-Barr. Le patient qui présente des résultats négatifs aux tests sérologiques peut être atteint d’un syndrome de Cogan. Afin de prévenir une lésion vestibulo-auditive définitive, une perte auditive, des acouphènes ou des vertiges, le patient doit être adressé à un ORL.

Traitement

Le traitement de la pathologie sous-jacente peut guérir la kératite. Un traitement complémentaire local par corticoides (prednisolone 1% 4 fois/j) est souvent conseillé. Un ophtalmologiste doit être consulté.

SYNDROME DE COGAN

Le syndrome de Cogan est une maladie rare auto-immune impliquant l’œil et l’oreille interne.

Le syndrome de Cogan touche les jeunes adultes, 80% de patients ayant entre 14 et 47 ans. La maladie semble résulter d’une réaction auto-immune dirigée contre un auto-Ag commun à la cornée et à l’oreille interne. Environ 10-30% des patients sont également atteints d’une vasculite systémique sévère, qui peut comprendre une aortite très grave.

L’atteinte oculaire comprend une kératite interstitielle bilatérale, une kératite cornéenne stromale, une épisclérite, une sclérite, une uvéite, une papillite ou une inflammation orbitaire. Les symptômes oculaires comprennent une irritation, une photophobie et une diminution de la vision. Les symptômes vestibulo-auditifs comprennent une surdité de perception, des acouphènes et des vertiges. Les symptômes touchent le système oculaire dans 38% des cas, le système vestibulo-auditif dans 46% des cas et les deux dans 15% des cas. Après 5 mois, 75% des patients ont des symptômes oculaires et vestibulo-auditifs. Les plaintes systémiques non spécifiques comprennent une fièvre, des céphalées, des arthralgies et des myalgies. L’examen oculaire montre habituellement une kératite interstitielle ou une inflammation d’autres couches du stroma cornéen, une rougeur oculaire, une inflammation intra-oculaire, un œdème papillaire et/ou une exophtalmie. Un souffle cardiaque diastolique peut être présent avec une aortite importante.

Le diagnostic repose sur l’examen clinique et l’élimination des autres causes (la syphilis, la maladie de Lyme). Le bilan par un ophtalmologiste et un otorhinolaryngologiste ORL est important. La maladie non traitée peut induire une cicatrice de la cornée et à une baisse de l’acuité visuelle ainsi que, dans 60-80% des cas, une perte auditive permanente.

Le traitement doit être commencé très rapidement avec des corticoides à haute dose. La prednisone 1 mg/kg PO une fois/j est prise pendant 2-6 mois. Certains cliniciens ajoutent de la cyclophosphamide, du méthotrexate ou de la ciclosporine pour les cas récalcitrants.

KERATOCONJONCTIVITE SECHE

(yeux secs ; kératite sèche)

Une kératoconjonctivite sèche est un déssèchement chronique bilatéral de la conjonctive et de la cornée dû à l’insuffisance du film lacrymal. Les symptômes sont un prurit, des brûlures, une irritation et une photophobie. Le diagnostic est clinique. Le test de Schirmer peut être utile. Le traitement consiste à instiller des larmes artificielles, à occlure les canaux lacrymaux et parfois à utiliser des tétracyclines orales et/ou des antibiotiques locaux ou une ciclosporine topique.

Etiologie

Cette pathologie peut être provoquée par une quantité de larmes insuffisante (kératoconjonctivite sèche par hyposécrétion lacrymale) ou, plus fréquemment, accélérée par évaporation des larmes du fait de leur faible qualité (kératoconjonctivite sèche évaporative).

La kératoconjonctivite sèche par manque de larmes se présente le plus souvent de façon idiopathique isolée chez les femmes ménopausées. Elle fait également fréquemment partie du syndrome de Sjogren. Moins fréquemment elle est secondaire à d’autres affections provoquant une cicatrisation des canaux lacrymaux (au pemphigoide cicatriciel, au syndrome de Stevens-Johnson ou au trachome). Elle peut être due au dysfonctionnement ou à la détérioration de la glande lacrymale du fait d’une réaction du greffon contre l’hôte, d’un syndrome de lymphocytose infiltrante diffuse relié au VIH, d’une radiothérapie locale ou d’une dysautonomie familiale.

La kératoconjonctivite sèche est provoquée par la perte du film lacrymal liée à une évaporation rapide anormale de la couche lipidique insuffisante à la surface de la couche aqueuse des larmes. Les symptômes peuvent résulter d’une mauvaise qualité du film lipidique (càd dysfonctionnement de la glande de Meibomius) ou d’une dégradation de la couche lipidique normale (càd blépharite séborrhéique). Le patient a souvent une acné rosacée.

Symptomatologie

Le patient signale un prurit, des brûlures, une photophobie, une sensation de corps étranger. Une douleur aigue, une sensation de tension ou de fatigue oculaire et une vision floue peuvent également survenir. Certains patients notent une sécrétion lacrymale excessive après une irritation sévère. Généralement les symptômes varient en intensité et peuvent être intermittents, aggravés par des efforts de vision prolongés (lecture, travail sur ordinateur, conduite, regarder la télévision). Un environnement sec, poussiéreux ou enfumé peut également aggraver ces symptômes. Certains médicaments systémiques comme l’isotrétinoine, les calmants, les diurétiques, les hypotenseurs, les contraceptifs oraux et tous les anticholinergiques (y compris les antihistaminiques et nombre de médicaments pour le système digestif), peuvent aggraver les symptômes. Les symptômes diminuent pendant les journées froides, pluvieuses ou brumeuses et lorsque le milieu environnant présente un fort taux d’humidité, comme la douche. Bien que la kératoconjonctivite sèche soit rarement cause d’une baisse de la vision, l’irritation peut être intense.

Dans les 2 formes, la conjonctive est hyperhémique et il y a souvent de petites pertes éparses et ponctuées d’épithélium cornéen (kératite superficielle ponctuée) et/ou conjonctival. Lorsque les conditions sont rudes, des régions, en particulier situées entre les paupières (la zone intrapalpébrale ou zone exposée), se colorent avec la fluorescéine. Le patient cligne très souvent du fait de l’irritation. Parfois, une fréquence insuffisante de clignement entraîne une exposition et une sécheresse.

Dans la forme de kératoconjonctivite sèche par manque de larmes, la conjonctive peut apparaître sèche et sans brillance avec des sillons redondants. Dans la forme de kératoconjonctivite sèche due à une évaporation excessive, des larmes abondantes ainsi qu’une sécrétion mousseuse peuvent se trouver sur les berges palpébrales. Dans de très rares cas, un dessèchement sévère, avancé et chronique peut mener à une perte de vision importante en relation avec la kératinisation de la surface oculaire ou à la perte de l’épithélium cornéen avec cicatrices, néovascularisation, infections, ulcération et perforation.

Diagnostic

Le diagnostic repose sur les symptômes caractéristiques et l’aspect clinique. Le test de Schirmer et le test de rupture du film lacrymal peuvent permettre de les différencier.

Le test de Schirmer détermine si la production de larmes est normale. Une bandelette de papier-filtre standardisé est placée, sans anesthésie, à la jonction du tiers médian et externe de la paupière inférieure. Une personne avec moins de 5,5 mm de mouillage après 5 min à 2 reprises successives a une kératoconjonctivite sèche déficitaire en larmes.

En cas de kératoconjonctivite sèche d’évaporation, le test de Schirmer est généralement normal. L’instillation d’une petite quantité de fluorescéine concentrée peut rendre le film lacrymal visible sous la lumière bleu cobalt de la lampe à fente. Un clignement restitue le film lacrymal complet. Le patient regarde alors fixement et on observe le temps au bout duquel la première surface sèche apparaît (test de rupture). Une rupture précoce du film lacrymal intact (moins de 10 s) est caractéristique de la kératoconjonctivite sèche d’évaporation.

Lorsque la kératoconjonctivite sèche est confirmée, le diagnostic de syndrome de Sjogren doit être suspecté, notamment si la bouche sèche (xérostomie) est également présente. Les tests sérologiques et la biopsie de la glande salivaire labiale sont utilisés pour le diagnostic. Le patient atteint d’un syndrome de Sjogren primitif ou secondaire a un plus haut risque de développer plusieurs maladies graves (cirrhose biliaire, lymphome non hodgkinien). Un bon examen et un suivi sont essentiels.

Traitement

L’instillation fréquente de larmes artificielles peut être efficace dans les 2 formes. Les larmes artificielles plus visqueuses couvrent la surface oculaire plus longtemps et sont particulièrement utiles en cas de kératoconjonctivite sèche d’évaporation. Les pommades à base de larmes artificielles appliquées avant de dormir sont particulièrement utiles quand le patient est atteint de lagophtalmie nocturne ou quand il présente une irritation au réveil. Ce traitement à vie est le plus souvent satisfaisant. Utiliser des humidificateurs et éviter les environnements secs peut souvent aider. Il est important de ne pas fumer et d’éviter le tabagisme passif. Dans les cas récalcitrants, l’occlusion du canal lacrymonasal est conseillée. Dans les cas graves, la tarsorraphie partielle permet de réduire la perte lacrymale par évaporation. La ciclosporine locale peut être une aide utile chez certains patients.

Le patient présentant une kératoconjonctivite sèche tire souvent un bénéfice lorsqu’on traite en parallèle la blépharite et la rosacée associée grâce à des compresses chaudes, au nettoyage des bords palpébrals et par l’utilisation occasionnelle de pommades antibiotiques locales pour la paupière (bacitracine au coucher) et/ou la prise orale de doxycycline 50-100 mg une ou 2 fois/j (contre-indiqué pour les femmes enceintes ou allaitantes).

KERATOCONE

Le kératocône est un bombement de la cornée entraînant une perte de l’acuité visuelle.

Un kératocône est une ectasie lentement progressive de la cornée (bombement dû à l’asthénie de ses éléments structurels), généralement bilatérale, débutant entre 10 et 20 ans. Son origine est inconnue. La déformation en forme de cône de la cornée est responsable des altérations majeures de la réfraction de la cornée (astigmatisme irrégulier), nécessitant le changement fréquent des lunettes. Les lentilles de contact apportent parfois une meilleure correction de la vision et doivent être essayées si les lunettes n’entraînent pas de résultats satisfaisants. La greffe de cornée peut être nécessaire lorsque l’acuité visuelle avec des lentilles de contact adaptées n’est pas satisfaisante, si les lentilles ne sont pas tolérées, ou si une cicatrice cornéenne importante apparaît.

KERATOMALACIE

(kératite sèche ; xérophtalmie)

La kératomalacie est une dégénérescence de la cornée provoquée par une carence nutritionnelle.

Elle est généralement due à une carence en vitamine A et à une dénutrition protéinocalorique. Elle est caractérisée par une cornée floue et sèche qui s’abrase. L’ulcération cornéenne suivie d’une surinfection est fréquente. Les glandes lacrymales et la conjonctive sont également atteintes. Le défaut de sécrétions lacrymales est à l’origine d’une sécheresse extrême de l’œil, et des taches mousseuses apparaissent sur la conjonctive bulbaire temporale et souvent nasale (les taches de Bitot). Une cécité nocturne peut survenir. Des précisions supplémentaires incluant le traitement spécifique figurent sous carence en vitamine A.

KERATITE ULCERANTE PERIPHERIQUE

(kératolyse marginale ; ulcération rhumatoide périphérique)

La kératite ulcérante périphérique est l’inflammation et l’ulcération de la cornée survenant au cours des connectivites chroniques. Cela entraîne une irritation et une diminution de la vision.

La kératite ulcérante périphérique est une grave ulcération de la cornée survenant en cas de maladies aigues et/ou chroniques du tissu conjonctif, telles que la polyarthrite rhumatoide (PR), la granulomatose de Wegener et la polychondrite récidivante. La mortalité élevée du patient atteint de pathologies du tissu conjonctif et de kératite périphérique ulcérante (environ 40% de décès sur 10 ans, principalement par infarctus du myocarde) est due à une vascularite sous-jacente. La mortalité peut être réduite à environ 8% à 10 ans grâce à l’immunodéficience cytotoxique systémique.

Le patient a souvent une baisse d’acuité visuelle, une photophobie et une sensation de corps étranger. Une zone d’opacité en forme de croissant en périphérie de la cornée, due à une infiltration par des globules blancs (GB) et une ulcération, se colore à la fluorescéine. Il faut éliminer une cause infectieuse, par exemple bactérienne, fongique ou un herpès par un frottis de l’ulcère et des bords libres des paupières avec mise en culture.

Tout patient qui est atteint de ce type d’ulcère doit être rapidement adressé à un ophtalmologiste. Le traitement comprend des solutions locales et systémiques permettant de contrôler l’inflammation (par exemple immunodéficience ou tissu adhésif et lentille pansement) et de réparer les lésions (par exemple greffes partielles). Le cyclophosphamide ou autre immunosuppresseur traite la kératite, les vascularites sévères et les maladies auto-immunes sous-jacentes. En outre, les médicaments utiles comprennent les inhibiteurs de collagénase, comme la tétracycline ou l’acétylcystéine topique 20%.

KERATOCONJONCTIVITE PHLYCTENULAIRE

(conjonctivite phlycténulaire ou eczémateuse ; phlycténulose)

La kératoconjonctivite phlycténulaire, une raison d’hypersensibilité de la cornée et de la conjonctivite aux Ag bactériens, est caractérisée par des zones nodulaires discrètes d’inflammation cornéenne ou conjonctivale.

La kératoconjonctivite phlycténulaire résulte d’une réaction d’hypersensibilité aux Ag bactériens, principalement staphylococciques mais la TB, Chlamydia et d’autres agents sont impliqués. Elle est plus fréquente chez les enfants.

Le patient présente de petits nodules gris jaune (phlycténules) qui apparaissent sur le limbe, sur la cornée ou sur la conjonctive bulbaire et persistent de plusieurs jours à 2 semaines. Ces nodules ont tendance à s’ulcérer sur la conjonctive, mais guérissent sans laisser de cicatrice. Quand la cornée est atteinte, le larmoiement intense, la photophobie, les douleurs et la sensation de corps étranger peuvent être au premier plan. Les récidives fréquentes, surtout surinfectées, peuvent être responsables d’une opacification cornéenne et d’une vascularisation avec perte de vision.

Le diagnostic se fait sur un tableau clinique caractéristique. Des examens de diagnostic de la TB pourront être prescrits. Le traitement associe des corticoides et des antibiotiques locaux. Si la phlycténulose est associée à une blépharite séborrhéique, le nettoyage des paupières peut limiter le risque de récidive.

KERATITE PONCTUEE SUPERFICIELLE

La kératite ponctuée superficielle est une inflammation de la cornée dont les causes sont diverses. Elle est caractérisée par de petites érosions ou des lésions ponctuées, disséminées de l’épithélium cornéen. Les symptômes sont une rougeur, une irritation et une diminution de la vision. Le diagnostic est effectué par un examen à la lampe à fente. Le traitement dépend de la cause.

La kératite ponctuée superficielle est une manifestation non spécifique souvent due à une conjonctivite virale, une blépharite, une kératoconjonctivite sèche, un trachome, une exposition à la lumière ultraviolette (UV) (par exemple arcs à soudure, lampes de bronzage, éblouissements dus à la neige), un excès de port de lentilles de contact, des médicaments systémiques (par exemple adénine arabinoside) et topiques ou une toxicité reliée aux conservateurs.

Les symptômes comprennent photophobie, sensation de corps étranger, larmoiement, rougeur et diminution de l’acuité visuelle. L’examen de la cornée à la lampe à fente ou à l’ophtalmoscope révèle un aspect flou caractéristique avec de multiples taches ponctuées qui se colorent avec la fluorescéine.

La kératite qui accompagne la conjonctivite à adénovirus (le type le plus fréquent de conjonctivite virale) guérit spontanément en 3 sem. Environ. Une blépharite, une kératoconjonctivite sèche et un trachome nécessitent un traitement spécifique. Si elle est due au port excessif de lentilles de contact, la kératite est traitée par une pommade antibiotique (ciprofloxacine 0,3% 4 fois/j), mais l’occlusion de l’œil est déconseillée du fait d’un risque élevé d’infection grave. Ces patients doivent être examinés le lendemain. Les médicaments topiques suspectés (principe actif ou conservateur) doivent être arrêtés.

Kératite due aux rayons ultra-violets :

La lumière UVB (longueur d’onde < 300 nm) peut brûler la cornée, provoquant une kératite ou une kératoconjonctivite. Les causes sont la soudure à l’arc, les étincelles électriques à haute tension, les lampes de bronzage et la lumière solaire réfléchie par la neige à haute altitude. Les rayons UV augmentent de 4 à 6% par tranche de 300 m au-dessus du niveau de la mer et la neige réfléchit 80% des UVB. Regarder sans protection, même brièvement, un arc à soudure, peut entraîner une brûlure.

Les symptômes ne sont généralement pas visibles pendant les 8-12 h suivant l’exposition et durent 24-48 h. Le patient présente un larmoiement, des douleurs, une rougeur, les paupières tuméfiées, une photophobie, des céphalées, une sensation de corps étranger et une diminution de la vision. La perte définitive de la vision est rare. Le diagnostic se fait par l’anamnèse, la présence d’une kératite ponctuée superficielle et l’absence de corps étranger ou d’infection. Le traitement comprend des médicaments cycloplégiques à action rapide, une solution antibiotique ou une pommade (bacitracine ou gentamycine 0,3%, 2 gouttes toutes les 4 h ou une fine couche de pommade toutes les 8 h) et l’occlusion de l’œil le plus gravement atteint. Une douleur intense peut nécessiter des antalgiques systémiques. La surface cornéenne se régénère spontanément en 24-48 h. La prévention se fait par le port de verres teintés ou de masques de soudeur bloquant la lumière ultraviolette (UV).

TRANSPLANTATION CORNEENNE

(greffe de cornée ; kératoplastie transfixiante)

Les transplantations cornéennes sont effectuées pour différentes raisons :

-afin d’améliorer les qualités optiques de la cornée et donc la vision – par exemple en remplaçant une cornée qui est cicatricielle après un ulcère ; une cornée qui est voilée par l’œdème (dystrophie de Fuchs ou un œdème après une chirurgie de la cataracte) ; une cornée qui est opaque due aux dépôts de protéines anormales opaques du stroma cornéen (par exemple dystrophie cornéenne stromale héréditaire) ou à un astigmatisme irrégulier, comme cela se produit avec le kératocône.

-pour reconstruire la cornée anatomique et sauver l’œil – par exemple en remplaçant une cornée perforée.

-pour sauver l’œil d’une maladie réfractaire au traitement médical – par exemple un ulcère cornéen fongique grave et incontrôlé ; ou pour soulager la douleur – par exemple pour soulager la sensation de corps étranger due à la récidive de bulles rompues en cas de kératopathie bulleuse.

Les indications les plus fréquentes sont la kératopathie bulleuse (pseudophakie, dystrophie endothéliale de Fuchs, aphakie), le kératocône, les greffes répétées, la kératite/postkératite (virale, bactérienne, mycosique, Acanthamoeban perforation) et des dystrophies cornéennes stromales.

Le test de comptabilité du tissu n’est pas effectué en routine. Les tissus d’un donneur décédé ne peuvent pas être utilisés si celui-ci est suspecté d’avoir une maladie contagieuse.

La transplantation cornéenne peut être effectuée sous anesthésie générale ou locale associée à une sédation IV.

Les antibiotiques topiques sont utilisés pendant plusieurs semaines en postopératoire, et des corticoides locaux pendant plusieurs mois. Pour éviter à l’œil un traumatisme accidentel après la greffe, le patient doit porter une coque, des lunettes ou des lunettes de soleil. Chez certains patients, l’astigmatisme cornéen peut être réduit assez rapidement en postopératoire, par ajustement ou retrait partiel de la suture. La récupération visuelle maximale peut prendre jusqu’à 18 mois, du fait des modifications de la réfraction après suppression des points de suture, de la guérison et/ou d’un astigmatisme cornéen. Chez nombre de patients, on obtient une meilleure vision plus tôt grâce à la pose d’une lentille de contact rigide sur le greffon cornéen.

Les complications sont l’infection (intraoculaire et cornéenne), l’ouverture de la cicatrice, le glaucome, le rejet ou l’échec de la greffe, une grosse erreur de réfraction (en particulier astigmatisme et/ou myopie) et les récidives de la maladie (par exemple herpès simplex, dystrophie cornéenne héréditaire).

On a rapporté jusqu’à 68% de rejets de la greffe. Le patient est atteint d’une diminution de la vision, d’une photosensibilité, d’une douleur et d’une rougeur oculaires. Le rejet de la greffe est traité par des corticoides topiques (prednisolone à 1% toutes les heures), parfois accompagnés d’une injection périoculaire supplémentaire (par exemple méthylprednisolone 40 mg). Si le rejet est important ou que la greffe est inefficace, des corticoides supplémentaires sont administrés par voie orale (prednisone 1 mg/kg/j) et parfois en IV (méthylprednisolone de 3-5 mg/kg, 1 fois). Généralement, l’épisode de rejet s’inverse et le greffon retrouve totalement sa fonction. La greffe peut échouer si l’épisode du rejet est anormalement grave ou de longue date ou après de multiples épisodes de rejet. Une nouvelle greffe est possible, mais le pronostic à long terme est plus faible que pour la première tentative.

Pronostic

La probabilité d’un succès de la transplantation à long terme est de plus de 90% pour les kératocônes, les cicatrices cornéennes, la kératopathie bulleuse débutante ou la dystrophie cornéenne héréditaire ; de 80-90% pour les kératopathies bulleuses plus avancées ou la kératite virale non active ; de 50% pour l’infection cornéenne active ; et de 0-50% pour les lésions chimiques ou irradiations.

Le taux de succès élevé des greffes de cornée est attribué à nombre de facteurs, dont le défaut de vascularisation cornéenne et le fait que la chambre antérieure possède un drainage veineux mais pas de drainage lymphatique. Ces situations favorisent une tolérance faible (une tolérance immunitaire qui résulte de l’exposition constante à de faibles doses d’un Ag) et un processus actif dit de déviation immune concernant la chambre antérieure, dans lequel on observe une suppression des lymphocytes intraoculaires et une hypersensibilité retardée aux Ag intraoculaires transplantés. Un autre facteur important est l’efficacité des corticoides (topiquement, localement et systémiquement) utilisés pour traiter le rejet.

TRANSPLANTATION DE CELLULES SOUCHES LIMBIQUES DE LA CORNEE

La greffe de cellules souches limbiques de la cornée remplace chirurgicalement les cellules souches atteintes à la périphérie de la cornée lorsque les cellules souches du receveur sont trop sévèrement endommagées pour guérir. Les affections comme des brûlures chimiques graves et le port prolongé de lentilles de contact peuvent en

Publié dans MEDECINE

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