Cancérologie pédiatrique

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CANCERS DE L’ENFANT

I.POUR BIEN COMPRENDRE

II.PARTICULARITES DES CANCERS DE L’ENFANT

III.EXEMPLES DE CANCERS DE L’ENFANT

OBJECTIFS DU CNCI

CANCERS DE L’ENFANT

-Expliquer les particularités épidémiologiques, diagnostiques et thérapeutiques des principaux cancers de l’enfant.

-Se comporter de façon appropriée lors de l’annonce d’un diagnostic de maladie grave.

POUR BIEN COMMENCER 

Les cancers de l’enfant sont des maladies rares.

Dans les pays industrialisés, ils représentent la deuxième cause de mortalité entre les âges de 1 et 15 ans, après les accidents.

Leur taux de guérison global est de 75-80%. Les objectifs actuels de la cancérologie pédiatrique sont d’augmenter encore les taux de guérison, tout en diminuant les risques de séquelles.

Les types histologiques des cancers de l’enfant sont très différents de ceux des cancers de l’adulte.

Les hémopathies malignes (leucémies et lymphomes) sont la première cause de cancer de l’enfant.

Les autres cancers fréquents chez l’enfant sont les tumeurs cérébrales, les tumeurs embryonnaires (néphroblastome, neuroblastome), les sarcomes osseux (ostéosarcome, sarcome d’Ewing) ou des tissus mous (rhabdomyosarcomes).

Les signes d’appel des cancers de l’enfant sont nombreux.

Les circonstances diagnostiques peuvent être en rapport avec des signes directement liés à la tumeur et/ou à des signes indirects de compression ou d’envahissement.

Le diagnostic repose sur la convergence d’arguments cliniques et d’imagerie, et le plus souvent sur des éléments anatomopathologiques et de caractérisation biologique de la tumeur.

La prise en charge est pluridisciplinaire et nécessite l’implication d’équipes hautement spécialisées.

Les cancers de l’enfant sont caractérisés par leur très grande sensibilité aux médicaments de chimiothérapie cytotoxiques.

La surveillance au long cours est essentielle en raison du risque de séquelles liées à la maladie et aux traitements.

I.POUR BIEN COMPRENDRE

Le chapitre « Cancers de l’enfant » exige de connaître les « particularités » des principaux cancers de l’enfant.

Ce chapitre répond strictement à cet objectif (particularités épidémiologiques, diagnostiques, thérapeutiques), et n’a pas pour objectif d’évaluer l’exhaustivité de leur prise en charge, qui relève des surspécialistes.

Il importe pour l’étudiant et le praticien de retenir les signes d’appel permettant un diagnostic précoce.

Trois exemples de cancers fréquents chez l’enfant sont développés en fin de chapitre : leucémie aigue lymphoblastique, neuroblastome, néphroblastome.

II.PARTICULARITES DES CANCERS DE L’ENFANT

A.PARTICULARITES EPIDEMIOLOGIQUES

1.GENERALITES

Les cancers de l’enfant représentent moins de 1 % de l’ensemble des cancers.

Ce sont des maladies rares (environ 2 000 cas par an entre les âges de 0 et 18 ans), survenant dans 50% des cas avant l’âge de 5 ans, avec une prédominance masculine (sex-ratio = 1,2).

Les cancers de l’enfant sont essentiellement sporadiques.

Une faible proportion seulement (moins de 5%) survient dans le cadre de syndromes connus de prédisposition génétique, tels que les formes héréditaires du rétinoblastome (risque accru de 2ème cancer), le syndrome de Li-Fraumeni (tumeurs des tissus mous et des os, lymphomes, tumeurs du SNC, corticosurrénalomes), le syndrome de Beckwit-Wiedemann (néphroblastomes, hépatoblastomes), la trisomie 21 (leucémies), les neurifibromatoses de types 1 et 2 (tumeurs du SNC), et d’autres syndromes plus rares encore.

Peu de facteurs environnementaux connus sont impliqués dans la genèse des cancers de l’enfant.

On peut citer les irradiations à forte dose, des virus tels que EBV (lymphomes de Burkitt, carcinome indifférencié du nasopharynx, maladie de Hodgkin), VIH (lymphomes, léiomyosarcome) ou VHB (hépatocarcinome).

Les taux de guérison des cancers de l’enfant atteignent aujourd’hui 75-80%.

Leur pronostic est donc globalement meilleur que celui des cancers survenant chez adultes.

De grands progrès thérapeutiques ont été réalisés au cours des dernières années, grâce aux acquis de stratégies thérapeutiques développées dans le cadre de protocoles de recherches cliniques multicentriques et internationaux.

Cancers de l’enfant : 2 000 cas/an en France, taux de guérison de 75-80%.

2.REPARTITION STATISTIQUE

Les types histologiques et la fréquence sont très distincts de ceux de l’adulte.

Schématiquement : 60% des cancers de l’enfant sont des tumeurs solides non hématologiques, 40% des hémopathies malignes (leucémies, lymphomes).

La répartition statistique des cancers de l’enfant est la suivante :

leucémies aigues 30%

tumeurs cérébrales 20%

lymphomes 10%

neuroblastomes 9%

néphroblastomes 9%

tumeurs des tissus mous 7%

tumeurs osseuses 5%

tumeurs germinales malignes 4%

rétinoblastomes 3%

tumeurs du foie 2%

autres 1%.

Avant l’âge de 5 ans, les cancers prédominants sont les leucémies aigues, les tumeurs embryonnaires spécifiques de l’enfant (neuroblastomes, néphroblastomes, rhabdomyosarcomes) et certaines tumeurs cérébrales (médulloblastomes, gliomes de bas grade).

Après l’âge de 10 ans, il s’agit surtout de tumeurs cérébrales (gliomes, médulloblastomes), de sarcomes osseux (ostéosarcomes, sarcome d’Ewing) et des tissus mous (rhabdomyosarcomes et non-rhabdomyosarcomes), de lymphomes (hodgkiniens et non hodgkiniens), et des tumeurs germinales malignes (principalement gonadiques).

Cancers de l’enfant les plus fréquents : leucémies aigues, tumeurs cérébrales, lymphomes, neuroblastomes, néphroblastomes.

B.PARTICULARITES DIAGNOSTIQUES

1.GENERALITES

Les signes d’appel de cancers de l’enfant doivent être reconnus le plus tôt possible.

En effet, la précocité du diagnostic permet un diagnostic plus favorable et le recours à des traitements moins agressifs. Toutefois la rareté et la rapidité évolutive des cancers de l’enfant ne permettent pas d’envisager un dépistage systématique, sauf dans de rares cas de syndromes de prédisposition.

Un interrogatoire attentif prenant en compte les symptômes décrits, un examen clinique exhaustif ainsi qu’une analyse vigilante de l’évolution permettent une stratégie diagnostique raisonnable pour l’identification ou la réfutation de signes évocateurs de cancers, tout en prenant en compte l’inquiétude familiale.

Les signes d’appel des cancers de l’enfant sont nombreux.

Ils peuvent être découverts de manière fortuite par les parents (masse abdominale au cours de la toilette) ou par le médecin traitant (examen systématique), ou du fait de la persistance sous traitement bien conduit, d’un signe ou d’un symptôme d’allure initialement bénigne.

Certains signes ou symptômes généraux peuvent survenir mais sont beaucoup plus rares qu’au cours des cancers de l’adulte : fatigue isolée, diminution de l’appétit, amaigrissement ou mauvaise prise staturo-pondérale chez le jeune enfant, infections anormalement répétées.

Les signes d’appel sont souvent banals et malheureusement parfois « banalisés » chez l’enfant.

Ils sont le plus souvent d’évolution rapide, survenant chez un enfant dont l’état général demeure conservé, et peuvent parfois mettre en jeu du fait de la localisation tumorale, le pronostic fonctionnel ou vital immédiat.

Tout symptôme ou signe persistant et fixe pendant plusieurs jours, toute douleur nocturne (céphalées, douleurs abdominales ou des membres), insolites ou durables, doivent faire évoquer une étiologie organique qui peut être parfois cancéreuse.

2.CIRCONSTANCES DIAGNOSTIQUES

Les signes peuvent être en rapport avec la découverte « directe » de la tumeur :

*masse abdominale :

-intrapéritonéale : lymphome de Burkitt, hépatoblastome

-rétropéritonéale : néphroblastome, neuroblastome

-abdominopelvienne : tumeur germinale maligne, neuroblastome, sarcome

*tuméfaction des membres ou des parois révélant des sarcomes :

-des tissus mous : le plus souvent rhabdomyosarcome

-osseux : ostéosarcome, tumeur d’Ewing

*adénopathies « froides » (habituellement dures et adhérentes, sans inflammation ni douleur) :

-leucémies

-lymphomes

*autres signes :

-reflet blanc pupillaire (leucocorie) : rétinoblastome

-augmentation du volume scrotal : rhabdomyosarcome, tumeur germinale maligne, lymphome

-hématurie : néphroblastome

*masse périorificielle ou intra-orificielle +- saignement : rhabdomyosarcome, tumeur germinale maligne vaginale.

Les symptômes peuvent être en rapport avec des signes « indirects » de la tumeur :

*HTIC, signes neurologiques déficitaires : tumeur cérébrale

*compression médullaire (y penser chez un enfant douloureux et difficilement mobilisable) : tumeurs osseuses rachidiennes, neuroblastome, tumeurs médullaires

*dyspnée par compression médiastinale : lymphome (le plus souvent non hodgkinien), tumeur germinale maligne

*obstruction respiratoire haute, troubles de déglutition : tumeur ORL (lymphome, rhabdomyosarcome)

*protrusion oculaire : tumeur orbitaire primitive (rhabdomyosarcome) ou métastase orbitaire (neuroblastome, hémopathie maligne)

*douleurs osseuses localisées : tumeurs osseuses (ostéosarcome, tumeur d’Ewing)

*douleurs osseuses diffuses +- boiterie : atteintes de la moelle osseuse (leucémie, neuroblastome)

*difficultés d’émission d’urines ou de selles : tumeurs abdominopelviennes (sarcome, neuroblastome, tumeurs germinales malignes), tumeurs intracanalaires

*strabisme : rétinoblastome

*prurit : lymphome de Hodgkin.

Plus rarement, le cancer peut se révéler au cours de certaines situations d’urgence :

*dyspnée asphyxiante : lymphome non hodgkinien médiastinal, tumeur ORL

*pancytopénie (anémie aigue, saignement, fièvre), CIVD : hémopathie

*HTIC d’évolution rapide avec des signes neurovégétatifs, convulsions : tumeur cérébrale

*fracture osseuse pathologique : tumeur osseuse

*hémorragie intra-abdominale : néphroblastome

*hypercalcémie : origine paranéoplasique ou lyse osseuse.

Alerte : HTIC, boiterie et douleurs osseuses, masse abdominale, strabisme, leucocorie.

3.DEMARCHE DIAGNOSTIQUE

a.GENERALITES

Le diagnostic est généralement porté sur une convergence d’arguments cliniques et paracliniques.

La démarche diagnostique vise à confirmer le diagnostic, préciser la nature et les caractéristiques de la tumeur, ainsi qu’à établir le bilan d’extension locorégional et général.

Les éléments d’appoint possiblement associés sont fonction des hypothèses étiologiques : examens biologiques (NFS-plaquettes, examens biochimiques sanguins standards, marqueurs tumoraux), examens d’imagerie, examens anatomopathologiques et de caractérisation biologique de la tumeur.

La stratégie diagnostique doit être rigoureuse et organisée.

Des examens paracliniques simples peuvent être réalisés pour orienter rapidement le diagnostic.

La chronologie et les modalités des explorations ultérieures (notamment l’indication des abords de ponction ou de biopsie de la tumeur) doivent être impérativement décidées en collaboration avec un centre de référence en cancérologie pédiatrique, afin d’éviter tout préjudice concernant la prise en charge thérapeutique et le pronostic.

b.SPECIFICITES A CONNAITRE

Les principaux marqueurs tumoraux particuliers au diagnostic des tumeurs pédiatriques sont les suivants :

*alphafoetoprotéine (alpha-FP) : tumeurs germinales malignes (composante « tumeur du sac vitellin »), hépatoblastome

*beta-HCG : tumeur germinales malignes (composante « choriocarcinome »)

*catécholamines urinaires : neuroblastome.

D’autres marqueurs moins spécifiques doivent également souvent également souvent être recherchés :

*hypercalcémie : atteintes ostéomédullaires étendues, tumeurs rhabdoides

*élévation des LDH (marqueur d’agressivité) : lymphome malin non hodgkinien (LMNH), neuroblastome, tumeur d’Ewing.

Les examens d’imagerie permettent le diagnostic topographique des lésions, contribuent souvent au diagnostic étiologique et participent au bilan d’extension.

On peut avoir recours selon les situations aux techniques suivantes :

*examens radiographiques standards (très souvent contributifs)

-radiographie de thorax

-radiographiques de segments osseux : en cas de douleurs ou de tuméfactions localisées

-ASP : en cas de tumeur abdominale

*échographie +- doppler :

-précise le caractère intra- ou rétropéritonéal d’une tumeur abdominale

-précise l’origine d’une tumeur abdominopelvienne

-contribue à l’exploration des lésions cervicales, des membres et des parois

*examens plus complexes (fonction des résultats des premières explorations) :

-TDM

-IRM : tumeur du SNC, tumeurs osseuses ou des tissus mous

-scintigraphie au téchnétium : tumeurs osseuses primitives et/ou métastatiques

-scintigraphie au méta-iodobenzylguanidine (MIBG) : neuroblastome

-tomographie par émission de positons (TEP) +- TDM : lymphomes hodgkiniens et non hodgkiniens.

Les examens anatomopathologiques comprennent des explorations :

*cytologiques :

-myélogramme : leucémie

-ponction ganglionnaire ou tumorale : certaines formes de LMNH

*histologiques : abords biopsiques percutanés ou chirurgicaux a minima.

Les examens de caractérisation biologique de la tumeur sont de plus en plus souvent indispensables pour préciser le diagnostic et mieux définir le pronostic.

Ils nécessitent généralement une congélation tumorale, qu’il faut prévoir lors des prélèvements.

Bilan paraclinique à visée diagnostique et pronostique.

4.DISPOSITIF D’ANNONCE

L’annonce diagnostique conduit à un retentissement psychologique majeur chez l’enfant et sa famille.

Elle est en un temps essentiel pour créer une alliance thérapeutique entre l’enfant, ses parents, et les équipes médicales impliquées dans la démarche diagnostique et la prise en charge thérapeutique (services de pédiatrie, centres de référence en cancérologie pédiatrique, service de chirurgie infantile spécialisée), alliance toujours indispensable à la réalisation de soins de qualité.

Délivrée parfois par le médecin traitant qui a évoqué le diagnostic, cette annonce doit être relayée par les centres de référence en cancérologie pédiatrique selon un « dispositif » prévu dans le cadre du plan cancer (mesure 40).

Le dispositif d’annonce hospitalier est construit autour de quatre temps :

-un temps médical :

*annonce diagnostique et compte-rendu de la réunion de concertation pluridisciplinaire (RCP)

*finalisation du projet sous forme d’un programme personnalisé de soins (PPS)

-un temps d’accompagnement soignant :

*précision des modalités thérapeutiques, visite du service

*identification des besoins d’accompagnement social et psychologique

-un accès aux soins de support (psychologue, assistance sociale, kinésithérapeute…)

-un temps d’articulation avec la médecine de ville (information du médecin traitant).

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients précise l’importance de l’information médicale.

L’annonce du diagnostic de cancer demande du temps, de la disponibilité et de l’expérience. L’information doit être claire et complète, délivrée de manière progressive au cours d’entretiens répétés et rapprochés, dans un lieu permettant confidentialité et intimité. Elle doit être adaptée au niveau de compréhension de l’enfant. L’aide des associations de parents est utile, soit par des contacts directs, soit par le recours à des documents écrits.

La circulaire DHOS n°161 du 29 mars 2004 relative à l’organisation des soins en cancérologie pédiatrique précise que le recours à un deuxième avis médical doit être systématiquement proposé aux parents, sans pour autant retarder la mise en œuvre rapide d’un traitement si nécessaire.

Annonce diagnostique avec information claire et complète. Alliance thérapeutique.

C.PARTICULARITES THERAPEUTIQUES

1.GENERALITES

De grands progrès thérapeutiques ont été réalisés au cours des dernières années.

Les objectifs actuels de la cancérologie pédiatrique sont d’augmenter encore les taux de guérison, tout en diminuant le risque de séquelles.

La prise en charge spécifique est discutée en réunion de concertation pluridisciplinaire.

Chaque enfant bénéficie d’un programme personnalisé de soins, élaboré par un centre de référence en cancérologie pédiatrique, et souvent réalisable (au moins en partie) au sein d’hôpitaux de proximité.

L’évolution naturelle de la maladie, les options thérapeutiques possibles et les modalités choisies, ainsi que leurs bénéfices et risques, doivent être présentés avec tact et empathie à l’enfant et à ses parents.

La participation (fréquente) à un protocole d’essai thérapeutique exige un consentement spécifique écrit.

L’enfant bénéficie d’une prise en charge à 100%.

Un projet d’accueil individualisé (PAI) permet une scolarité adaptée à l’état de santé de l’enfant.

Un soutien psychologique doit être proposé à l’enfant et à sa famille.

Réunion de concertation pluridisciplinaire. Programme personnalisé de soins.

2.MODALITES THERAPEUTIQUES

a.GENERALITES

Toute urgence symptomatique doit être traitée en priorité.

Le soulagement de douleurs éventuelles est l’une de ces urgences, et donc également essentiel dès le début de la prise en charge de l’enfant. Une réévaluation clinique de l’enfant doit être réalisée régulièrement.

Les cancers de l’enfant sont caractérisés par une grande chimiosensibilité.

La mise en place d’un cathéter central est très souvent nécessaire pour la réalisation des traitements.

Un suivi au long cours est indispensable.

Il permet de surveiller l’efficacité du traitement antitumoral (rémission, guérison, rechute) et sa tolérance (toxicité précoce), ainsi que les effets secondaires tardifs de la maladie et des traitements (séquelles).

b.SPECIFICITES A CONNAITRE

Le plan de traitement de chaque enfant associe de manière variable :

-une chimiothérapie néoadjuvante (très fréquemment utilisée) destinée à :

*réduire le volume tumoral et faciliter (ou rendre possible) un geste chirurgical

*diminuer le cas échéant le volume et la dose d’irradiation

*agir précocement sur les métastases avérées ou infracliniques.

-une chirurgie d’exérèse (lorsqu’elle est indiquée et réalisable)

-des traitements post-opératoires adjuvants :

*chimiothérapie (le plus souvent)

*radiothérapie : indications encore importantes mais de plus en plus restrictives (risque de séquelles dans un organisme en développement, ex : neuro-endocriniennes en cas d’irradiation cérébrale).

Les toxicités précoces de la chimiothérapie comprennent essentiellement les effets secondaires suivants :

-hématologiques :

*neutropénie fébrile (indication à une antibiothérapie à large spectre)

*anémie, thrombopénie (besoins transfusionnels)

-digestifs et nutritionnels :

*risque de nausées/vomissements, anorexie

*mucite, diarrhée/constipation

-alopécie

-selon les agents de chimiothérapie :

*risque allergique, atteintes des fonctions rénales et hépatiques

*risque de cystite hématurique avec certains agents alkylants

*risque de toxicité neurologique périphérique ou rarement centrale.

Les séquelles possibles (effets des traitements, de la maladie, ou conjonction des deux) sont les suivantes :

-toxicités d’organe :

*cardiaque (anthracyclines)

*rénale (dérivés du platine, ifosfamide)

*pulmonaire (irradiation, busulfan, bléomycine)

-retentissement sur les fonctions :

*neuropsychologiques (HTIC liée à une tumeur cérébrale, irradiation du SNC, chimiothérapies)

*sensorielles (type et localisation de la tumeur oculaire ou du SNC)

*endocrines (tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire, irradiation du SNC)

-atteintes fonctionnelles et/ou esthétiques (traitements locaux)

-toxicités sur l’ADN de cellules non tumorales :

*retentissement sur la fertilité

*majoration du risque de survenue de cancers secondaires.

Retenir les options thérapeutiques, avec les toxicités précoces et les séquelles.

III.EXEMPLES DE CANCERS DE L’ENFANT

A.LEUCEMIES AIGUES LYMPHOBLASTIQUES

1.GENERALITES

Les leucémies aigues sont les cancers les plus fréquents de l’enfant (30%).

Ce sont des proliférations malignes de précurseurs de cellules sanguines bloqués à un stade précoce de leur différenciation (blastes).

On distingue deux variétés de leucémie aigue suivant le type cytologique des cellules blastiques :

-les leucémies aigues lymphoblastiques (LAL)

-les leucémies aigues myéloides (LAM).

Les LAL représentent environ 80% des leucémies aigues de l’enfant.

On dénombre de 350 à 400 nouveaux cas par an en France, avec deux pics de fréquence : 2 à 5 ans (principal pic) et adolescence.

Schématiquement : 75% sont des proliférations lymphoides de cellules immatures de la lignée B, 20% sont des proliférations de la lignée T. Il existe de très rares proliférations de cellules lymphoblatiques B matures : il s’agit de leucémies de Burkitt (leucémie L3 dans la classification FAB franco-américano-britannique ou B4 dans la classification EGIL européan group for the immunological characterization of leukemias).

2.DIAGNOSTIC

a.SIGNES CLINIQUES D’APPEL

Les signes cliniques d’appel peuvent être :

-des manifestations d’insuffisance médullaire

-des manifestations du syndrome tumoral liées à la prolifération lymphoblastique dans la moelle osseuse et les organes hématopoiétiques secondaires et les organes lymphoides.

Les manifestations d’insuffisance médullaire témoignent :

-de l’anémie : asthénie, pâleur, éventuelle dyspnée

-de la thrombopénie : syndrome hémorragique cutanéomuqueux, purpura pétéchial, ecchymoses diffuses ou dans des sites inhabituels, épistaxis, gingivorragies, hématurie, sang dans les selles, etc.

-de la neutropénie : fièvre prolongée, angine récidivante ou ne cédant pas aux antibiotiques, aphtose.

Les manifestations du syndrome tumoral peuvent également alerter :

-douleurs osseuses (enfant ne voulant plus monter les escaliers, voulant être porté, etc.)

-hépatomégalie, splénomégalie, adénopathies périphériques, amygdalomégalie

-gêne respiratoire voire syndrome cave supérieur en cas de syndrome tumoral médiastinal

-signes neurologiques périphériques (compression médullaire sur tassement vertébral voire envahissement tumoral) ou centraux (témoins d’une maladie neuroméningée).

b.CONFIRMATION DIAGNOSTIQUE

Les résultats de l’hémogramme (NFS-plaquettes) peuvent être en faveur du diagnostic :

-forme hyperleucocytaire avec blastose sanguine d’importance variable

-forme pancytopénique sans blastes

-absence d’anomalies parfois (n’éliminant pas le diagnostic de leucémie).

Le diagnostic ne peut et ne doit être porté qu’après réalisation d’un myélogramme :

-cytologie médullaire au microscope : > 20% de cellules blastiques

-examen immunohistochimique : coloration négative par la myéloperoxydase et les estérases

-identification de la LAL dans la classification FAB (L1, L2, L3) : taille et régularité des cellules.

Ce myélogramme est complété par les examens suivants :

-immunophénotypage sur cellules médullaires en suspension en cytométrie de flux :

*confirmation du caractère hématopoiétique de la prolifération (CD34)

*caractère B : présence d’antigènes de la lignée B parmi CD10, CD19, CD20, CD22, CD79a

*caractère T : présence d’antigènes de la lignée T parmi CD2, CD3, CD4, CD7, CD8

-caryotype hématologique médullaire :

*ploidie des cellules blastiques (normoploidie : 46 chromosomes, hypo : <46, hyper :>46)

*+- anomalies structurales : délétions, inversions péricentriques, duplications, translocations

-examen en biologie moléculaire à la recherche de :

*transcrits de fusion (ETV6-RUNX1, BCR-ABL, PBX-E2A, MLL-AF4…)

*marqueur(s) moléculaire(s) pour le suivi de la maladie après rémission complète cytologique (RC).

Enfin, d’autres examens sont nécessaires au diagnostic et à la prise en charge :

-examen du LCR : recherche d’un envahissement neuroméningé initial (présence de blastes)

-examen d’imagerie en fonction du tableau initial :

*radiographie de thorax, échographie abdominale

*IRM cérébrale

-bilan préthérapeutique :

*bilan prétransfusionnel

*syndrome de lyse : hyperuricémie, hyperkaliémie, hypocalcémie, hyperphosphorémie.

3.PRISE N CHARGE THERAPEUTIQUE

a.PRINCIPES THERAPEUTIQUES

La prise en charge doit être réalisée en milieu spécialisé pédiatrique après RCP.

Les principes thérapeutiques sont les suivants :

-correction d’une urgence symptomatique

-prévention et/ou prise en charge d’un syndrome de lyse tumorale : hyperhydratation, hyperdiurèse, uricolytiques

-polychimiothérapie séquentielle intensive incluant : des corticoides, de l’aspartaginase, un alcaloide de la pervenche, du méthotrexate, de l’aracytine +- alkylants et anthracycline

-prévention ou traitement des localisations neuroméningées : injections intrathécales de chimiothérapie, voire radiothérapie cérébrale.

La durée totale du traitement est de 24 à 30 mois.

b.SUIVI ET PRONOSTIC

Le pronostic des LAL de l’enfant est meilleur que celui des LAL de l’adulte.

Plus de 80% des enfants et adolescents entre les âges de 1 an et 18 ans peuvent être guéris par les protocoles actuels. Les patients présentant les formes les plus favorables ont un pronostic de guérison de l’ordre de 90 à 95%.

Le pronostic est fonction :

-des caractéristiques initiales de la maladie :

*leucocytose : hyperleucocytose péjorative si > 50 000/mm3

*envahissement neuroméningé

*immunophénotype : T est de moins bon pronostic que B

*âge : pronostic sombre chez l’enfant d’âge < 1 an, moins bon pronostic chez les adolescents

-de la réponse au traitement :

*corticosensibilité à J8

*obtention de la rémission cytologique en fin d’induction

*décroissance rapide de la maladie résiduelle (mesurée par PCR ou cytométrie de flux).

B.NEUROBLASTOME

1.GENERALITES

Le neuroblastome est la tumeur solide extracrânienne la plus fréquente de l’enfant âgé de plus de 5 ans.

Il se développe à partir de cellules formant le système nerveux sympathique (crête neurale).

Il représente environ 9% des cancers de l’enfant.

L’incidence est de 1/10 000 naissances, avec 8 à 9 nouveaux cas par an par million d’enfants (soit 130-150 nouveaux cas/an en France). Il survient le plus souvent chez des enfants âgés de moins de 5 ans.

2.DIAGNOSTIC

a.SIGNES CLINIQUES D’APPEL

Les caractéristiques cliniques sont très variables.

Elles dépendent de la localisation de la tumeur primitive ainsi que de la présence éventuelle d’un syndrome paranéoplasique ou de métastases.

Les manifestations reliées à la tumeur primitive sont :

-pour une tumeur au niveau de la surrénale ou des ganglions sympathiques de l’abdomen :

*hypertension artérielle

*masse abdominale, douleurs abdominales

-pour une tumeur le long de la colonne vertébrale (+- prolongement dans le canal rachidien) :

*signes neurologiques

*signes de compression médullaire (tumeur en sablier).

Les manifestations en rapport avec un syndrome paranéoplasique sont :

*syndrome opsomyoclonique : mouvements saccadés des yeux, ataxie

*diarrhée (hypersécrétion de VIP).

Les manifestations reliées aux métastases (présentes dans plus de 50% des cas au diagnostic) sont :

-chez l’enfant :

*envahissement ostéomédullaire avec asthénie et douleurs osseuses

*hématome périorbitaire bilatéral (syndrome du Hutchinson)

-chez le nourrisson :

*envahissement hépatique avec hépatomégalie majeure (syndrome de Pepper)

*envahissement sous-cutané avec nodules bleutés enchâssés dans le derme.

b.CONFIRMATION DIAGNOSTIQUE

Le dosage des catécholamines urinaires sur 24 heures est d’une grande valeur diagnostique :

*dopamine et dérivés (VMA et HVA), résultats rapportés à la créatininurie

-élévation en cas de neuroblastome sécrétant (90-95% des cas).

Le bilan morphologique précise le diagnostic :

-échographie puis TDM/IRM puis déterminer l’extension locale de la tumeur

-scintigraphie à la MIBG pour détecter une atteinte métastatique.

Un bilan médullaire est systématiquement réalisé.

Le diagnostic est toujours confirmé par une analyse histologique d’un fragment tumoral, obtenu le plus souvent par ponction-biopsie percutanée ou biopsie chirurgicale pour les tumeurs inopérables d’emblée.

Le prélèvement tumoral congelé permettra également une analyse des altérations génétiques tumorales.

3.PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE

a.PRINCIPES THERAPEUTIQUES

La prise en charge doit être réalisée en milieu spécialisé pédiatrique après RCP.

Le traitement des tumeurs localisées opérables (stade L1) sans autre facteur de risque biologique consiste en une chirurgie d’exérèse seule.

Le traitement des tumeurs localisées inopérables (stadeL2) repose sur des cures de chimiothérapie (combinaisons de VP16/carboplatine ou cyclophosphamide/anthracycline/vincristine), ainsi qu’une intervention chirurgicale si possible.

Le traitement des tumeurs métastatiques de l’enfant d’âge > 1an associe une chimiothérapie d’induction, une chimiothérapie haute dose suivie de réinjection de cellules souches autologues, une chirurgie d’exérèse de la tumeur primitive, une irradiation locale puis un traitement d’entretien (acide rétinoique et immunothérapie).

b.SUIVI ET PRONOSTIC

Les chances de survie sont excellentes pour les formes localisées du nourrisson (>90%).

Elles ne sont au maximum que de 40% chez les enfants d’âge > 18 mois atteints de neuroblastome stade 4. Elles sont intermédiaires pour les formes localisées des enfants plus âgés ou les formes métastatiques ostéomédullaires des enfants plus jeunes.

Le pronostic dépend :

-de l’âge : meilleur pronostic chez les enfants d’âge < 18 mois au diagnostic

-du stade d’extension tumorale selon la classification INRG :

*évolution agressive des stades M (formes métastatiques)

*possibilité de régression spontanée pour les stades MS (syndrome de Pepper)

-des marqueurs biologiques : mauvais pronostic si amplification de l’oncogenèse MYCN.

La surveillance se poursuit au long cours après le traitement.

Le risque de survenue d’effets secondaires dépend de la lourdeur des traitements ayant été nécessaires.

C.NEPHROBLASTOME

1.GENERALITES

Le néphroblastome est la tumeur maligne rénale la plus fréquente de l’enfant.

Il se développe à partir du tissu d’origine embryonnaire rénal.

Il représente environ 8% des cancers de l’enfant.

L’incidence est de 1/10 000 naissances, avec 7 nouveaux cas par an par million d’enfants (soit 100-120 nouveaux cas/an an France). Il survient le plus souvent chez des enfants âgés entre 6 mois et 5 ans.

2.DIAGNOSTIC

a.SIGNES CLINIQUES D’APPEL

Il s’agit le plus souvent d’une découverte fortuite d’une masse abdominale.

Elle peut être associée à des douleurs abdominales, une hypertension artérielle, une hématurie.

Cette masse abdominale peut augmenter de taille rapidement.

Des signes respiratoires peuvent être observés en cas de métastases pulmonaires.

Le néphroblastome survient dans le cadre d’un syndrome malformatif dans 10% des cas (syndrome de Beckwitt-Wiedemann par exemple).

b.CONFIRMATION DIAGNOSTIQUE

Le dosage des catécholamines urinaires sur 24 heures est normal.

L’échographie puis le scanner de l’abdomen, confirment l’origine rénale de la masse (figure).

Fig. Echographie de neuroblastome

Le bilan morphologique recherche aussi une atteinte tumorale extrarénale par extension locale ou métastatique ganglionnaire, hépatique ou pulmonaire.

Une documentation histologique par biopsie de la masse en milieu spécialisé n’est indispensable actuellement qu’en cas de présentation clinique atypique, afin de permettre le diagnostic différentiel avec les autres lésions rénales tumorales ou pseudotumorales.

3.PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE

a.PRINCIPES THERAPEUTIQUES

La prise en charge doit être réalisée en milieu spécialisé pédiatrique après RCP.

Selon les protocoles SIOP (société internationale d’oncologie pédiatrique) utilisés dans les pays européens, le traitement commence systématiquement par une chimiothérapie première de 4 à 6 semaines par vincristine et actinomycine (+ adriamycine en cas de métastase), afin de diminuer le volume tumoral et donc le risque de rupture tumorale lors du geste chirurgical.

Une néphrectomie totale sera réalisée dans la grande majorité des cas.

Le traitement postopératoire sera stratifié en fonction du type histologique et du stade.

Il peut consister en une observation simple dans les cas les plus favorables, jusqu’à une chimiothérapie intense associée à une irradiation pour les forme défavorables.

Les formes bilatérales ont des traitements adaptés à la réponse à la chimiothérapie, au type histologique et au potentiel d’épargne néphronique par la chirurgie (le plus souvent partielle au moins d’un côté). Les enfants âgés de moins de 6 mois sont opérés d’emblée et le traitement postopératoire est adapté à la lésion.

b.SUIVI ET PRONOSTIC

Les approches thérapeutiques permettent d’obtenir une survie globale d’environ 90%.

Le pronostic dépend :

-du type histologique de la tumeur (classification SIOP)

-du stade d’extension tumorale :

*stade I : tumeur limitée au rein d’exérèse complète

*stade II : atteinte périrénale d’exérèse complète

*stade III : exérèse incomplète

*stade IV : atteinte métastatique.

La surveillance se poursuit au long cours après le traitement.

Le risque de survenue d’effets secondaires cardiaques est particulièrement important en cas de traitement par adriamycine.

POINT DE VUE DE L’EXPERT

Un cas clinique pourrait concerner par exemple :

-un enfant chez qui une tumeur abdominale est découverte à l’occasion de la palpation d’une masse abdominale (tumeur rétropéritonéale faisant discuter néphroblastome et neuroblastome) ;

-un enfant présentant un tableau compatible avec une HTIC aigue (souvent atypique dans sa présentation) révélant une tumeur cérébrale ;

-un enfant suivi pour une adénopathie cervicale « froide » (en insistant sur les diagnostics différentiels car un cancer n’est pas la cause la plus fréquente dans ce cas) ;

- un cas de tumeur osseuse chez un adolescent.

ACTUALITES POUR LE FUTUR

Les progrès attendus concernant la prise en charge des cancers de l’enfant sont liés :

-à la qualité des soins grâce aux équipes pluridisciplinaires spécialisées ;

-à la meilleure connaissance de la biologie des cancers de l’enfant ;

-à l’analyse de résultats de protocoles de recherche visant à optimiser l’équilibre « efficacité des traitements « et « effets secondaires » ;

-aux thérapeutiques nouvelles permises par des recherches biologiques spécifiques ciblées sur chaque type de tumeur.

REFERENCES

Orbach D., Chastagner P., Doz F. Cancer de l’enfant. La revue du praticien 2008 ; 58 ; 557-63.

 

Publié dans MEDECINE

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