Pneumologie - IRA 2

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Pneumologie - IRA 2

 

principes therapeutiques

 

traitement etiologique

 

Le traitement de toute détresse respiratoire aigue passe, outre les mesures symptomatiques, par le traitement d’une cause quand c’est possible. Cependant, le traitement d’une cause n’est pas toujours gage d’évolution favorable (cf. SDRA paragraphe Pathologies aigues hypoxémiantes).

L’exemple le plus caricatural au registre du traitement étiologique est celui des insuffisances ventilatoires satellites de troubles de conscience liés à certaines intoxications médicamenteuses. Les comas dus aux benzodiazepines peuvent ainsi être levés par un antagoniste spécifique, le flumazenil (Anexate). Ceux dus aux opiacés peuvent l’être par la naloxone (Narcan). Dans les deux cas, une augmentation spectaculaire du niveau de vigilance et la reprise d’une activité ventilatoire sont observées après administration de l’antidote, ce qui a une forte valeur diagnostique. Dans ces situations, le traitement de la cause peut suffire à traiter la détresse respiratoire ; il y a cependant un risque majeur d’aggravation secondaire qui nécessite le maintien d’une surveillance rapprochée pendant plusieurs heures.

 

traitements de l’hypoxie tissulaire

 

Même si elle n’est pas synonyme d’hypoxie tissulaire, une détresse respiratoire ne peut qu’en favoriser la survenue (cf. « Hypoxémie et hypoxie » plus haut). Il est donc toujours utile, en plus des mesures spécifiquement « respiratoires » (cf. infra), de corriger tous les facteurs qui peuvent promouvoir la diminution du contenu artériel en oxygène ou la mauvaise livraison de l’oxygène aux cellules (corriger une anémie, rétablir le débit cardiaque, etc). Dans l’hypoxie tissulaire du choc septique, la perturbation princeps est l’incapacité pour la cellule d’utiliser l’oxygène qu’elle reçoit, en dépit de puissants mécanismes compensateurs (augmentation du débit cardiaque, vasodilatation, augmentation de la ventilation (1)). L’hypoxie résulte du déséquilibre entre les besoins en oxygène (augmentés) et la capacité d’utilisation des apports (diminuée). Il est souvent illusoire, voire délétère d’essayer de « cravacher » les mécanismes de compensation. En attendant que le traitement anti infectieux, indispensable à une issue favorable, agisse, la seule possibilité thérapeutique dont on dispose peut donc être non pas l’augmentation des apports en oxygène, mais al diminution des besoins. L’anesthésie générale et la paralysie musculaire (curares) permettent de les diminuer considérablement, mais imposent le recours à la ventilation artificielle, qui correspond bien alors à une mesure thérapeutique de l’hypoxie, indépendamment de l’hypoxémie ou de l’hypercapnie (dans un choc septique à point de départ urinaire, on peut être amené à ventiler artificiellement un patient alors même qu’il n’est pas hypoxémique, que sa ventilation est augmentée, et qu’il est hypocapnique : au cours du SDRA, le problème essentiel est la difficulté à oxygéner le sang, et non à épurer en CO2 ; la ventilation artificielle ne vise pas à augmenter la ventilation alvéolaire, mais bien à diminuer les besoins en oxygène).

(1)           Les muscles respiratoires, très actifs au cours du sepsis pour augmenter la ventilation, sont responsables d’une demande en oxygène très importante.

 

OXYGENOTHERAPIE ET ASSISTANCE VENTILATOIRE MECANIQUE

     

Les deux concepts sont distincts : l’oxygénothérapie, à laquelle on rattache divers moyens d’améliorer les rapports ventilation-perfusion, est la base du traitement de la détresse respiratoire hypoxémique, tandis que l’assistance ventilatoire mécanique (AVM) est la base du traitement de la détresse respiratoire hypercapnique. En pratique les deux thérapeutiques sont très souvent combinées. En effet, les pathologies purement hypoxémiantes ou purement hypercapniantes sont rares, et diverses intersections sont possibles (oxygénothérapie au cours de l’hypoventilation centrale, en attendant la mise en route de l’AVM ; oxygénothérapie au cours d’un coma compliqué d’une pneumopathie d’inhalation ; AVM au cours d’une pneumopathie hypoxémiante, en raison d’une hypoxie associée ; AVM au cours d’une pneumopathie hypoxémiante, en raison d’un épuisement musculaire respiratoire lié à la réaction d’hyperventilation). Il est clair que l’existence d’une pathologie sous jacente, respiratoire ou neuro-musculaire, est une source importante d’intersection de ce type.

 

OXYGENOTHERAPIE

 

Il existe de très nombreuses façons d’administrer de l’oxygène à un patient en détresse respiratoire. On peut administrer un débit d’O2 (sondes nasopharyngées ou dispositifs intranarinaires courts). L’avantage est la simplicité d’utilisation, mais la fiabilité de l’administration est médiocre (déplacements, bouchons, précision des débitmètres, etc). Surtout, le débit d’O2 administré étant fixe, la fraction inspirée d’O2 (FiO2, déterminant majeur de la PaO2) varie avec la ventilation. Par exemple une oxygénothérapie à 3l/min d’O2, chez un patient dont la respiration est de 9 l/min déterminent une FiO2 de 40 % : (ventilation * 0,21 + débit O2)/(ventilation+débit O2) ; si la ventilation augmente à l’occasion d’un événement quelconque, la FiO2 diminue : 35 % pour 12 l/min avec 3 l/min supplémentaires d’O2. Il en ressort que le seul élément de référence fiable pour suivre l’évolution d’une détresse respiratoire aigue est la gazométrie artérielle en air ambiant. La gazométrie sous oxygène n’a d’intérêt que pour  évaluer l’efficacité de l’oxygénothérapie administrée.

L’oxygénothérapie est réputée toxique lorsque des FIO2 supérieures à 60 % sont utilisées pendant des périodes prolongées. Bien qu’il n’y ait pas de démonstration chez l’homme de cette toxicité, il est recommandé de ne pas maintenir des FiO2 au-delà de 60 % pendant plus de 2 à 4 heures. L’objectif n’est pas d’obtenir la PaO2 la plus élevée possible, ni même de normaliser la PaO2 ; il est de maintenir la PaO2 dans une zone sans risque d’hypoxie (SaO2 au dessus de 90 %, soit, en conditions normales de pH et de température, PaO2 supérieure à 60 mmHg). IL est inutile d’utiliser des FiO2 supérieures à celles nécessaires pour atteindre ce résultat, que le patient soit en ventilation spontanée ou sous AVM. Chez les patients insuffisants respiratoires chroniques obstructifs hypercapniques, l’administration de fortes quantités d’oxygène peu aggraver l’hypercapnie, non pas par une dépression ventilatoire, mais en altérant les rapports ventilation-perfusion. Il faut donc alors administrer l’O2 en trouvant un compromis entre oxygénation et majoration de la capnie (oxygénothérapie « contrôlée) ; l’impossibilité de trouver un tel compromis peut imposer le recours à l’AVM.

 

THERAPEUTIQUES INFLUENCANT LES RAPPORTS VENTILATION ET PERFUSION

 

Il s’agit de l’application d’une pression expiratoire positive (PEP), de l’administration de monoxyde d’azote (NO) et de l’utilisation de postures (décubitus ventral ou latéral) (cf. « SDRA »  paragraphe Pathologies aigues hypoxémiantes et fig. 15.4.). Les indications de ces méthodes thérapeutiques sont essentiellement le SDRA. Au cours des pneumopathies hypoxémiantes sévères avec images unilatérale, le décubitus latéral (côté sain vers le bas) peut être utile.

D’autres techniques d’oxygénation sont d’indication exceptionnelle ou demeurent expérimentales (ventilation liquide, oxygénateurs intravasculaires extrapulmonaires, oxygénation extracorporelle avec épuration extracorporelle de CO2, etc.).

    

ASSISTANCE VENTILATOIRE MECANIQUE

     

On peut regrouper sous cette terminologie très générale l’ensemble des moyens thérapeutiques qui permettent de prendre en charge la ventilation en tout ou partie. L’assistance ventilatoire mécanique est indiquée :

-          Dans le traitement de l’hypoxie tissulaire en particulier sur choc septique, lorsqu’il est nécessaire de réduire la demande en oxygène (cf. supra) ;

-          Dans les détresses respiratoires hypercapniques d’origine neuromusculaire, quel que soit le niveau de l’atteinte ;

-          Dans un certain nombre d’insuffisances respiratoires chroniques en poussée, lorsque pour une raison quelconque les muscles respiratoires n’arrivent plus à assurer le travail nécessaire au maintien d’une ventilation adéquate.

Dans chacune de ces circonstances, les indications précises et les modalités de l’assistance ventilatoire varient, ainsi que sa conduite (durée, sevrage, etc.). Sans entrer dans les détails,  (cf. pour en savoir plus fin du chapitre), les quelques éléments qui suivent ont pour vocation de donner un aperçu général de la problématique de l’assistance ventilatoire mécanique.

 

DEGRE D'ASSISTANCE RESPIRATOIRE

 

La ventilation peut être prise en charge en totalité : ventilation contrôlée (VC). Les réglages du ventilateur fixent la ventilation, le volume courant, la fréquence, le temps inspiratoire. Aucune latitude n’est laissée au patient, qui doit être aussi passif que possible pour que la ventilation soit efficace et confortable. Les indications les plus caractéristiques de ce mode ventilatoire sont les détresses respiratoires d’origine neuromusculaire (abolition de la commande centrale de la respiration, polyradiculonévrites, myasthénie en poussée, myopathie décompensée, etc.). La ventilation contrôlée peut également être utile au début de la prise en charge de certaines poussées d’insuffisance respiratoire chronique, ou dans le traitement de l’hypoxie du choc septique (cf. supra).

Le premier degré de liberté qui peut être laissé au patient est le choix d’une fréquence supérieure à celle réglée sur le ventilateur : ventilation assistée contrôlée (VAC). Historiquement, cette modalité a été la première modalité d’assistance ventilatoire. Elle peut être très simple à gérer en particulier chez les patients en cours de récupération d’une pathologie neuromusculaire, mais elle peut être aussi la source d’inconfort majeur et d’inadaptation du patient au ventilateur. C’est le cas, en particulier chez les insuffisants respiratoires chroniques, obstructifs comme restrictifs, lorsque le débit inspiratoire n’est pas suffisant, ce qui provoque une sensation d’ « insatisfaction » : le patient ayant l’impression de ne pas recevoir assez d’air, tend alors à poursuivre des efforts inspiratoires désordonnés alors même que la machine administre le volume courant inspiratoire. L’assistance ventilatoire est alors inconfortable et perd en efficacité, devenant paradoxalement, un coût énergétique plus qu’une économie.

L’assistance ventilatoire barométrique, qui consiste à pressuriser les voies aériennes à un niveau prédéterminé au lieu de fournir un volume fixe, permet d’augmenter les « choix » du patient. Celui-ci déclenche le ventilateur à la fréquence qu’il souhaite, mais il pet également faire varier le volume délivré en maintenant l’effort inspiratoire : le ventilateur continue à fournir l’assistance en pression tant qu’il détecte cet effort. Le volume courant dépend du niveau d’assistance fourni, du temps inspiratoire, et des caractéristiques mécaniques du système respiratoire. Ce principe constitue la base d’un mode d’assistance ventilatoire devenu très populaire, l’aide inspiratoire (AI), très utilisé chez les insuffisants respiratoires chroniques, en particulier en période de sevrage de la ventilation. L’application d’une pression positive « statique », sans cycle respiratoire, à un patient en ventilation spontanée, par l’intermédiaire d’un masque, a deux indications : l’amélioration de l’oxygénation par le biais d’un moindre effet court circuit (cf. SDRA et fig. 15.4.) ; la réduction de la charge imposée aux muscles respiratoires (cf. IRA des IRCO paragraphe Pathologies aigues hypoxémiantes et hypercapniantes et fig 15.7.).

 

INTERFACE PATIENT MACHINE

 

Historiquement la première interface entre un patient et une machine de ventilation a été la trachéotomie. Ensuite s’est développée l’intubation oro- puis naso-trachéale, au moyen de sondes cylindriques munies à leur extrémité d’un ballonnet, qui, gonflé dans la trachée, permet d’isoler les voies aériennes. De cette façon, la totalité du gaz expiré passe par la sonde d’intubation, ce qui permet une mesure précise du volume expiré et sa comparaison avec le volume administré. De plus, les voies aériennes sont protégées contre l’inhalation du contenu du carrefour aérodigestif supérieur (liquide gastrique, sécrétions colonisées par les bactéries) (1).

(1)           L’usage des mots est important : « intubation » ne signifie pas « ventilation artificielle » : on peut laisser un patient en ventilation spontanée après intubation, si celle-ci a été motivée uniquement par des troubles de conscience menaçant le contrôle du carrefour aérodigestif ; on peut ventiler un patient sans l’intuber.

Une autre interface possible entre la machine et le patient, utilisée depuis de nombreuses décennies mais récemment remise à la mode, est le masque nasal ou nasobuccal. L’application de l’assistance ventilatoire mécanique par l’intermédiaire d’un masque  est généralement dite « non invasive » car moins agressive pour le patient et grevée de complications moins sévères et moins fréquentes que l’intubation ou la trachéotomie. Actuellement, l’application de l’assistance ventilatoire par l’intermédiaire d’un masque tend de plus en plus à être tentée en première intention, avant le recours à une intubation. Cette stratégie s’applique particulièrement à l’insuffisance respiratoire aigue des IRCO, lorsque le traitement conservateur (cf. supra) a échoué. Elle est aussi très prisée chez les patients âgés ou extrêmement fragiles, chez qui les complications de la ventilation sur sonde endotrachéale sont particulièrement redoutées (cf. infra).

Tous les modes d’assistance ventilatoire (contrôlée ou assistée) en volume ou en pression, sur sonde endotrachéale ou au masque, peuvent être combinés à volonté. Les choix dépendent de la pathologie en cause, de la mécanique respiratoire, des habitudes des équipes, etc. et sont difficilement systématisables. Il existe par ailleurs de nombreux autres modes ventilatoires plus complexes, souvent proposés par les fabricants de ventilateurs et dont les bénéfices cliniques réels ne sont pas toujours démontrés.

 

COMPLICATIONS DE L’ASSISTANCE VENTILATOIRE MECANIQUE

 

Elles sont nombreuses et variées. De façon non exhaustive : la ventilation sur sonde endotrachéale est associée à des complications locales trachéales (trachéomalacie, sténose, granulome, etc.), à des complications infectieuses (pneumopathie nocosomiale, sinusite nocosomiale, etc), à des complications mécaniques pulmonaires (distension, risque de rupture alvéolaire entraînant pneumomédiastin ou pnemothorax, etc), à des perturbations hémodynamiques (la pression positive intrathoracique associée à la ventilation diminue le retour veineux donc le débit cardiaque ; ce n’est qu’en cas d’insuffisance cardiaque gauche que la pression positive est favorable, en diminuant la post charge du ventricule gauche), aux complications des traitements corollaires, anesthésiques et sédatifs, et à des complications non spécifiques (par exemple, hémorragies digestives, dont les facteurs de risque identifiés au cours d’un séjour en réanimation sont l’existence d’une pathologie gastrique préexistante, l’existence de trouble de la coagulation et la ventilation artificielle, etc.).

      

Vocabulaire :

Hypoxémie : voir anoxémie : Diminution de la quantité d’oxygène contenue dans le sang (si elle est faible, on l’appelle hypoxémie). Cette diminution peut avoir différentes causes : dépression atmosphérique (mal d’altitude), anémie, anomalies ou altération de l’hémoglobine par certains toxiques (anilines, nitrites, sulfamides), intoxication par le CO, pneumopathies chroniques, cardiopathies congénitales avec shunt veino artériel, insuffisance cardiaque, etc. Elle provoque l’anoxie.

Epreuve d’anoxie : Epreuve consistant à faire respirer un patient, pendant 20 minutes, dans une atmosphère pauvre en oxygène (10 % d’O2). En diminuant temporairement l’oxygénation du myocarde, cette épreuve peut faire apparaître passagèrement, en cas d’insuffisance coronaire, des anomalies de l’électrocardiogramme qui n’existent pas dans les conditions normales.

Hypercapnie : Augmentation du CO2 dissout dans le plasma sanguin (où il existe surtout sous forme d’acide carbonique) ; elle est due à une diminution de la ventilation pulmonaire. Si elle survient brutalement, elle provoque l’acidose gazeuse ; si elle est chronique, le mécanisme rénal de régulation la compense par une élévation du taux des bicarbonates du plasma et il n’y a pas d’acidose.

 

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