Cancérologie 5

Publié le par ***

Partie I - Cancérologie générale
Chapitre 5 - Bases de la radiothérapie

 

Sections

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

 

 

Auteurs : J.J. Mazeron, F. Baillet

5.1 Introduction

La radiothérapie est l'utilisation thérapeutique des radiations ionisantes. Ses origines remontent au début du siècle, après la découverte des rayons X par W. Röntgen (1895), de la radioactivité par H. Becquerel (1896) et du radium 226 par P. et M. Curie (1898). La radiothérapie est principalement utilisée en cancérologie, pour traiter en combinaison ou non avec la chirurgie et/ou la chimiothérapie, la tumeur primitive et les adénopathies satellites et souvent certaines métastases (osseuses et cérébrales surtout). Elle est utilisée chez les deux tiers des cancéreux. La radiothérapie moderne s'est développée à partir de 1950 avec l'avènement des appareils de haute énergie (télécobalts, accélérateurs linéaires) et le remplacement du radium 226 par des radioéléments artificiels (iridium 192 et césium 137).

Trois techniques sont actuellement pratiquées :

  • la téléradiothérapie ou radiothérapie transcutanée ou radiothérapie externe qui utilise des faisceaux de radiations pénétrant les tissus à travers la peau,
  • la curiethérapie, qui consiste à implanter des sources radioactives scellées dans la tumeur (endocuriethérapie ou curiethérapie interstitielle), ou encore à son contact, dans une cavité naturelle (plésiocuriethérapie ou curiethérapie endocavitaire), ou dans un conduit naturel (curiethérapie endoluminale),
  • la radiothérapie métabolique, qui utilise des radioéléments administrés sous forme liquide.

5.2 Bases biologiques

L'action des radiations ionisantes dans les tissus est d'abord physique, puis chimique, enfin biologique. Les particules incidentes provoquent l'ionisation (éjection d'un électron par effet Compton principalement ou par effet photoélectrique) ou l'excitation (passage d'un électron sur une orbite d'énergie supérieure) des atomes cellulaires. Les rayonnements non chargés (photons, neutrons) sont indirectement ionisantes, les particules chargées directement ionisants (électrons, protons). Les électrons ainsi libérés brisent les molécules en formant des radicaux libres, élément instables capables de léser les molécules nobles de la cellule, en particulier les acides nucléiques responsables de la division cellulaire et de la synthèse des protéines. Les lésions sont sublethales en cas de rupture d'un brin d'ADN et en général lethales en cas de rupture de 2 brins. Les dégâts occasionnés à la cellule sont d'autant plus graves que la cellule est bien oxygénée, car la combinaison des radicaux libres avec l'oxygène donne lieu à la formation de molécules hyperoxygénées hautement réactives (peroxydes, par exemple). A l'inverse l'hypoxie augmente la radiorésistance cellulaire.

Ces lésions nucléaires peuvent soit provoquer la mort de la cellule (mitotique ou apoptotique), soit être réparées plus ou moins complètement. Les tissus sains ont en règle une capacité de restauration et de prolifération plus grande que les populations tumorales entre les séances d'irradiation. C'est pour bénéficier de cet effet différentiel que la dose totale est fractionnée et étalée dans le temps : il est ainsi classique de délivrer 5 traitements de 2 Gy par semaine, soit 10 Gy par semaine.

Une radiothérapie a pour objectif de délivrer une dose suffisante au volume-cible tumoral tout en épargnant les organes critiques voisins. La dose absorbée est exprimée en grays (1 Gy = 1 J/kg de matière). Les doses nécessaires au contrôle de la maladie sont de 20-35 Gy pour un séminome testiculaire, 30-45 Gy pour un lymphome, 65-75 Gy pour un carcinome et de 70-80 Gy pour un sarcome. Les tumeurs de volume limité sont plus radiosensibles (il y a plus de stérilisations à doses égales si la tumeur est petite) et les doses ci-dessus peuvent être réduites si le cancer résiduel après chirurgie est infraclinique ou pour traiter des extensions régionales non macroscopiques de la tumeur).

L'irradiation occasionne dans les tissus sains des réactions précoces qui sont réversibles en quelques semaines : radiodermite aïgue, marquée par un érythème, une desquamation et une épilation, radiomucite aiguë, se traduisant par un énanthème, des fausses membranes, des douleurs, hypoplasie médullaire, lorsque le volume irradié est important, aboutissant à une diminution dans le sang du nombre des leucocytes des plaquettes et des hématies etc... En fait, ce sont les réactions tardives, qui peuvent survenir au bout de plusieurs mois ou années, et sont peu réversibles, qui sont le vrai facteur limitant de la radiothérapie : radio dermite chronique, marquée par une peau fine, sèche, atrophique, couperosée, myélite radique, néphrite chronique, fibrose pulmonaire, péricardite et myocardite radiques, xérostomie, grêle radique, vessie et rectite radiques, plexite et encéphalite radiques. Ce risque de complication conduit à fixer une dose limite pour chaque tissu : 70 Gy pour la peau, 45 Gy pour la moelle épinière, 55 Gy pour le tronc cérébral, 15 Gy pour les reins, 20 Gy pour les poumons, de 30 à 60 Gy pour l'intestin grêle (selon le volume irradié) 40 Gy pour le coeur. A partir de 40 Gy une diminution chronique de la sécrétion salivaire est possible (et il est souvent nécessaire de donner plus, cf cancers ORL). Le risque de vessie et de rectite radiques existe au-delà de 65 Gy. La dose de 55 Gy ne doit pas être dépassée au niveau du plexus brachial et 50 Gy au niveau du cerveau en entier. Certains organes sont particulièrement radiosensibles : une irradiation ovarienne à une dose de 12 Gy suffit pour provoquer une castration définitive ; une cataracte peut apparaître dès 2 Gy et est constante à 7 Gy (en dose unique).

5.3 Téléradiothérapie

Les appareils de radiothérapie superficielle utilisent des tubes à rayons X produisant des photons X de 300 kV maximum ; leurs faibles énergies font qu'ils ne sont plus utilisés que pour des cancers cutanés (maximum de dose à a surface, faible rendement en profondeur).

 

Figure 1 Télécolbalt et table de traitement

1. Statif ; 2. Bras ; 3. Tête ; 4. Collimateur ; 5. Socle de la table ; 6. Fût de la table ; 7. Plateau de la table.

 

 

Figure 2 Tête de télécobalt avec son système de collimation

1. Protection en plomb ; 2. barillet porte source en tungstène qui tourne pour mettre la source en position de traitement (A) ; 3. Protection en uranium appauvri ; 4. Source de cobalt 60 en position arrêt faisceau ; 5. Lampe de simulation ; 6. Pré-collimateur ; 7. Support mobile ; 8. Collimateur ; 9. Prolongateurs amovibles ; 10. Axe du faisceau du rayonnement.

 

Les appareils de télécobalt contiennent une source faite de disques empilés de 1 à 2 cm de diamètre de cobalt 60 qui émet des photons de 1,25 MeV : les propriétés de leurs faisceaux (maximum de dose à 4 mm sous la surface, rendement en profondeur relativement élevé) en font des appareils bien adaptés au traitement des tumeurs de la tête et du cou, du sein et des membres. Ils tendent maintenant à être remplacés par des accélérateurs linéaires fournissant des photons X de 4-6 MeV.

 

Figure 3 Accélérateur linéaire et coupe de la tête

Photographie d'un accélérateur linéaire et coupe de la tête avec son système de déviation et de collimation

 

Les accélérateurs linéaires produisent des électrons d'énergie comprise entre 6 et 25 MeV, qui sont libérés par un canon à électrons, puis accélérés par un champ de haute fréquence alternatif produit par un magnétron ou un klystron ; l'interposition dans le faisceau d'une cible en tungstène conduit à la production de photons X d'énergie maximale 25 MeV. Les caractéristiques des photons X de 10 MeV ou plus (maximum de dose à plusieurs cm sous la surface cutanée, rendement en profondeur très élevé) en font des appareils adaptés au traitement des tumeurs du thorax, de l'abdomen et du pelvis. Les propriétés balistiques des électrons font qu'ils peuvent être utilisés pour traiter des volume-cibles superficiels, particulièrement s'ils sont situés devant un organe-critique (moelle épinière par exemple).

Les cyclotrons sont des machines complexes et coûteuses, produisant des particules lourdes, qui présentent un intérêt biologique (neutrons) ou balistique (protons).

Tous les appareils ont un collimateur dont les mâchoires mobiles délimitent le faisceau et en déterminent les dimensions ; leur forme, rectangulaire ou carrée, peut être modifiée par des caches standardisés ou personnalisés, placés sous le collimateur. Les derniers accélérateurs sont munis de collimateurs multilames qui permettent d'avoir des faisceaux de forme complexe sans collimateur additionnel.

La radiothérapie moderne suppose en outre un environnement technique important :

  • un tomodensitomètre, pour repérer le volume tumoral et les organes critiques,
  • un conformateur, qui permet le tracé des contours cutanés dans des plans transverses ou sagittaux,
  • un simulateur, appareil de radiodiagnostic qui permet le centrage des faisceaux (il simule l'appareil de traitement en permettant de voir ce qui sera irradié par chaque faisceau),
  • un système informatique, pour faire la dosimétrie, c'est à dire visualiser la distribution spatiale de la dose et calculer les temps de traitement.

La radiothérapie est effectuée par plusieurs faisceaux convergents dont les dimensions, la position et la pondération sont déterminées pour délivrer une dose homogène à la tumeur et protéger les organes critiques : par exemple une porte d'entrée antérieure, une postérieure et deux latérales, droite et gauche. La qualité de la contention de la région irradiée est enfin essentielle ; le positionnement et l'immobilisation du malade sont assurés par des accessoires indispensables à une bonne reproductibilité du traitement ; faisceaux lasers, craniostats, masques thermoformés, cadre stéréotaxique, etc.

5.4 Curiethérapie

Elle utilise des sources d'iridium 192 ou de césium 137 suffisamment miniaturisées pour autoriser le chargement différé. Des tubes sont implantés au bloc opératoire sous anesthésie, puis les sources y sont chargées après le contrôle radiologique de l'application et la dosimétrie. L'implantation des tubes peut donc se faire avec toute la minutie désirée puisqu'elle se fait en atmosphère non radioactive. Le chargement des sources de rayonnement peut être manuel ou automatisé par un projecteur. La disposition des sources obéit à un système prévisionnel, tel que le système de Paris.

La curiethérapie se fait à bas (0,4-2 Gy/h) ou haut débit de doses (> 12 Gy/h = HDR = High Dose Rate). Dans le premier cas il s'agit d'une irradiation continue, dans le cadre d'une hospitalisation dans une chambre à parois munies de protections ; dans le deuxième cas, le traitement est fractionné, ne nécessite pas d'hospitalisation, mais un projecteur de sources radioactives. La curiethérapie peut être exclusive ou compléter une irradiation externe à dos modérée. Elle s'adresse à des cancers de petit volume, bien limités et techniquement accessibles : utérus, cavité buccale, oropharynx, peau, sein, vessie, etc...

5.5 Radiothérapie métabolique

Technique peu répandue, elle fait le plus souvent appel à l'iode 131 dans certaines formes de cancers de la thyroïde ; une dose de 100 mCi (millicurie) peut être renouvelée plusieurs fois.

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

 

Partie I - Cancérologie générale
Chapitre 5 - Bases de la radiothérapie

 

Sections

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

 

 

5.6 Indications

La radiothérapie est impliquée dans le traitement des deux tiers environ des cancers et de la moitié de ceux qui sont curables. Le pourcentage de survivants à long terme donné par la radiothérapie seule (De Vita) est de 27 % alors que la chirurgie est responsable de 50 %, la chirurgie + la radiothérapie de 14 %, la chimiothérapie de 3 % et la chimiothérapie + un autre traitement de 6 %.

Elle peut être utilisée soit exclusivement, soit en combinaison avec la chirurgie ou la chimiothérapie. Elle est dite :

  • préopératoire, si elle précède une exérèse chirurgicale, dans le but de la rendre possible, de la faciliter ou de la limiter,
  • postopératoire, si elle fait suite à une résection de la tumeur primitive et/ou des adénopathies satellites, dans le but d'éradiquer les îlots tumoraux macroscopiques ou microscopiques laissés en place ;
  • conservatrice lorsqu'elle remplace une thérapeutique mutilante : mammectomie, laryngectomie totale, amputation abdomino-périnéale, cystectomie totale, etc...

Si la radiothérapie est le plus souvent employée à visée curative pour traiter la tumeur primitive et les premiers relais ganglionnaires, elle est aussi utilisée pour traiter des métastases ou des tumeurs localement trop avancées pour pouvoir espérer une guérison, dans un but cytoréducteur, décompressif, antalgique ou hémostatique. La dose est alors souvent délivrée en un petit nombre de fractions (par exemple 30 en 10 fractions et 12 jours), pour obtenir une action plus rapide au prix d'un dérangement minimal du malade.

5.7 Nouvelles techniques

La radiothérapie fait actuellement l'objet de nombreux développements.

La radiothérapie corporelle totale est destinée à préparer une allogreffe de moelle osseuse pour traiter certaines formes de leucémies ou d'aplasies. Une dose de 10 Gy est délivrée à l'ensemble de l'organisme en une seule séance, avec protection des poumons à 8 Gy.

La radiothérapie cutanée totale par des électrons de 4 MeV est utilisée pour traiter le mycosis fungoïde et quelques autres lymphomes cutanés. Une dose de 30 Gy est délivrée à l'ensemble du revêtement cutané en 12 fractions étalées sur 6 semaines.

La radiothérapie peropératoire consiste à irradier une tumeur profonde (rectale, pancréatique, etc...) par électrons au cours d"une intervention chirurgicale, après avoir éloigné les organes critiques (intestins, rein, etc...). Elle permet donc de délivrer au volume-cible une dose supplémentaire tout en épargnant ces organes critiques.

La radiothérapie multifractionnée (plusieurs fractions par jour espacées d'au moins 6 heures) permet d'augmenter la tolérance des tissus sains, donc l'efficacité locale en augmentant la dose totale ou en raccourcissant la durée totale du traitement (radiothérapie accélérée). Elle donne des résultats locaux supérieurs à l'irradiation monofractionnée classique dans certaines formes de carcinomes épidermoïdes de la sphère oto rhino laryngologique.

La radiochimiothérapie, c'est à dire l'administration concomitante de radiothérapie et de chimiothérapie, notamment par dérivés du Platine, a été développée pour des carcinomes épidermoïdes du pharynx, des bronches, de l'oesophage et du canal anal. Les résultats sont supérieurs à ceux de l'irradiation classique exclusive, localement et en terme de survie.

La radiothérapie par mini faisceaux (irradiation en condition stéréotaxique par de multiples petits faisceaux convergents vers une cible de petit volume) permet le traitement de malformations artério-veineuses ou de tumeurs cérébrales de dimensions limitées, mais inextirpables. Utilisée avec un cadre de stéréotaxie chirurgical en séance unique elle est habituellement appelée radiochirurgie.

La radiothérapie par neutrons peut améliorer le contrôle de tumeurs mal oxygénées. Elle a un intérêt dans le traitement de cancers de la parotide et des sarcomes des parties molles.

La radiothérapie par protons permet de délivrer une dose élevée dans un volume limité tout en protégeant les tissus sains limitrophes (grâce au pic de Bragg). Elles sont essentiellement utilisées pour traiter les mélanomes, de la choroïde, et les chordomes et chondrosarcomes de la base du crâne.

La radiothérapie conformationnelle et en modulation d'intensité (IMRT) représentent les derniers progrès en matière de radiothérapie externe. Ces progrès sont liés à ceux de l'imagerie et de l'informatique. Dans ces deux cas on définit exactement sur une console où apparaît l'imagerie en position de traitement les contours de la tumeur, les zones où une extension ganglionnaire est possible, les organes protéger avec les doses maxima qu'ils peuvent recevoir. Le programme de dosimétrie calcule la meilleure façon de procéder en définissant les faisceaux, les collimations et les pondérations pour la radiothérapie conformationnelle. Dans la modulation d'intensité les lames du collimateur multilame s'interposent plus ou moins dans le faisceau pour moduler la dose selon ce qui est souhaité.

Figure 4 Exemple de radiothérapie conformationnelle pour un cancer bronchique

1. Volume cible compris dans une isodose d'enveloppe entourant strictement les contours de la tumeur plus une marge de sécurité de 1,5 cm calculés automatiquement ; 2. Moelle ; 3. Poumon gauche ; 4. Poumon droit.


5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

 

Partie I - Cancérologie générale
Chapitre 5 - Bases de la radiothérapie

 

5.8 - Aspects cliniques pratiques

5.8.1 - Les moyens pour donner la dose à l'endroit souhaité

 

Sections

Sous-sections

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

 

5.8.1 - Les moyens pour donner la dose à l'endroit souhaité
5.8.2 - Les unités de la radiothérapie
5.8.3 - La dosimétrie
5.8.4 - La dose clinique
5.8.5 - Les doses utiles

 

 

En radiothérapie externe on dispose d'une gamme d'appareils permettant de distribuer la dose au mieux. Schématiquement on a pour 1 faisceau direct entrant dans les tissus perpendiculairement à la peau :


Par exemple pour des électrons de 12 MeV la dose est maximum à la peau, la dose 80 % est à 4 cm de profondeur et la dose 10 % à 6 cm. Il est donc possible avec des électrons de 12 MeV de traiter une tumeur située entre 1 et 4 cm, placée devant une région à préserver située à 7 cm de profondeur.

Figure 5 Rendements en profondeur de différents types de rayonnement

1 Cobalt 60 ; 2 Photons de 10MeV ; 3 Electrons de 20MeV ; 4 Pic de Bragg pour protons de 200MeV ; 5 Pic de Bragg étalé en interposant successivement des applicateurs pour donner de l'épaisseur à la dose maximum ; 6 Zone traitée par les protons


En curiethérapie en sources scellées (c'est à dire sans contamination possible de l'organisme) on a :

  • L'Iridium 192 (Ir 192) qui se présente sous forme d'un fil très fin de 3 à 5/l0ème de mm, souple, résistant, permet l'utilisation d'un matériel vecteur non radioactif sous formes d'aiguilles et surtout de tubes plastiques souples. Ces caractéristiques ont permis d'étendre les indications de la curiethérapie à des zones anatomiques complexes telles que la région vélo-glosso-amygdalienne. L'énergie des photons étant de 0,34 MeV une radioprotection efficace par écran est possible. La CDA (couche de demi-atténuation par le plomb) est de 0,2 cm. Un panneau de 2 cm de plomb suffit donc pour ramener la dose au 1/1000è et protéger l'entourage. Le seul inconvénient est la période (T) qui est de 74 jours ce qui oblige en pratique à renouveler le stock de fils tous les 2 mois.
    Par comparaison le radium (Ra 226), qui a été à l'origine de la curiethérapie en sources scellées, a une décroissance négligeable (T = 1620 ans), se présente sous forme de poudre enfermée dans des tubes ou des aiguilles (aucune souplesse) et surtout ne permet aucune protection efficace par écran mobile (photons de 1,4 MeV avec CDA de plomb de 1,2 cm d'où une épaisseur de plomb de 12 cm pour ramener la dose au 1/1000è). C'est pour cette dernière raison que l'emploi de Radium est maintenant interdit en France pour la curiethérapie.
  • Le deuxième corps radioactif utilisé en curiethérapie en sources scellées est le Césium 137 qui se présente sous forme de billes ou d'aiguilles. Presque exclusivement utilisé pour la curiethérapie gynécologique, il a l'avantage d'avoir une période de 30 ans et l'inconvénient d'avoir des photons de 0,66 MeV avec une CDA de plomb de 0,6 cm (radioprotection efficace par panneaux ayant une épaisseur de 6 cm de plomb). Son emploi tend à diminuer.

 

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

5.8.1 - Les moyens pour donner la dose à l'endroit souhaité
5.8.2 - Les unités de la radiothérapie
5.8.3 - La dosimétrie
5.8.4 - La dose clinique
5.8.5 - Les doses utiles

 

Partie I - Cancérologie générale
Chapitre 5 - Bases de la radiothérapie

 

5.8 - Aspects cliniques pratiques

 

Sections

Sous-sections

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

 

5.8.1 - Les moyens pour donner la dose à l'endroit souhaité
5.8.2 - Les unités de la radiothérapie
5.8.3 - La dosimétrie
5.8.4 - La dose clinique
5.8.5 - Les doses utiles

 

 

5.8.2 Les unités de la radiothérapie

Le gray : Dose absorbée correspondant à 1 Joule/Kg

Le rad : Ancienne unité de dose absorbée dans le système CGS (centimètre, gramme, seconde) 100 rads = 1 gray. Le gray est devenu l'unité de référence à l'occasion de l'abandon du système CGS au profit du système MKS (mètre, kilogramme, seconde).

Le röentgen : Dose d'exposition dans l'air. Etait autrefois utilisé en thérapeutique lorsque la dose était mesurée à partir de la dose dans l'air à l'entrée des faisceaux (a l'aide d'un dosimètre placé dans le faisceau). Sa valeur est proche de celle du rad.

Le curie : Quantité de radioactivité correspondant à la radioactivité d'1 gramme de radium. Les sources de cobalt 60 sont mesurées en curies et les fils d'iridium 192 en millicuries par cm.

Le becquerel : est devenu l'unité officielle de radioactivité. Il correspond à 1 désintégration par seconde.

5.8.3 La dosimétrie

En radiothérapie externe

A l'exception des tumeurs cutanées, pratiquement toutes les tumeurs sont situées à une profondeur telle que plusieurs portes d'entrée sont nécessaires pour avoir une irradiation sélective de la tumeur. La répartition de la dose pour 1 faisceau d'accélérateur linéaire de 10 MeV est donné figure 6.

Figure 6 Exemple de rendement en profondeur d'un faicseau de 10 MeV


On se rend compte que pour traiter une tumeur de la région hypophysaire par exemple il faut utiliser 4 faisceaux orthogonaux comme le montre la figure 7 (technique des feux convergents).

Figure 7 Exemple de dosimétrie avec 4 faisceaux convergents de 10 MeV

Le 100 % est au centre, au point d'intersection des 4 faisceaux, au point de référence ICRU (point de référence internationale pour l'expression de la dose).


L'addition des doses des 4 faisceaux convergents permet de définir la dose 100 % au point de rencontre du centre des 4 faisceaux. C'est la dose à ce point qui doit être utilisée pour les comparaisons internationales (point ICRU). Pour ce cas, la dose de 55 Gy en fractionnement et étalement classiques est donnée sur une isodose d'enveloppe entourant largement la tumeur : l'isodose 95 %. Les doses en dehors du volume traité sont visibles grâce au tracé des isodoses en pourcentage.
La dose au point ICRU est de (55/95) × 100 = 57,89 Gy

En curiethérapie en sources scellées

la dose décroît très rapidement à courte distance des sources comme le montre la figure 8.

Figure 8 Répartition de la dose autour d'une ligne de curiethérapie

Il y a décroissance rapide de la dose selon la loi de l'inverse du carré de la distance


L'avantage est que la dose, est très faible en dehors du dispositif de curiethérapie contrairement à ce qui existe avec la radiothérapie externe. L'inconvénient par contre est que la dose est très inhomogène à l'intérieur du dispositif. On a en effet inévitablement des zones « chaudes » le long des lignes radioactives, sources possibles de nécrose, et des zones « froides » dans les régions les plus éloignées des lignes radioactives, sources possibles de non stérilisation tumorale ou de récidive. En pratique on utilise des lignes radioactives parallèles et équidistantes et on essaie d'avoir des écartements faibles de 10 à 15 mm maximum.

Figure 9 Exemple de curiethérapie pour un cancer du sein avec 5 lignes radioactives

La dose est exprimée en Gy/j. Le trait plein correspond à l'isodose de référence. Le trait discontinu extérieur donne le siège de l'isodose dont la valeur est égale à 50 % de la dose minimum à l'intérieur du dispositif radioactif (première isodose continue entourant le dispositif : trait discontinu intérieur). Pour ce cas habituel la valeur de l'isodose de référence est égale à 85 % de la dose minimum à l'intérieur. Les traits pleins à l'intérieur autour des fils radioactifs correspondent à l'isodose dont la valeur est égale au double de celle de l'isodose de référence. A ce niveau la dose est toxique. On veille donc à ce que ces « manchons d'hyperdosage » aient un diamètre inférieur à 1 cm.


Dans l'exemple de la figure 9 correspondant à un surdosage par curiethérapie d'une tumeur du sein non opérée le siège des principales isodoses est indiqué. On a, de dehors en dedans, le siège de l'isodose dont la valeur est égale à 50 % de celle de l'isodose de référence, l'isodose de référence (siège de la dose prescrite laquelle est la dose minimum en bordure du volume traité), la première isodose circulaire entourant le dispositif (correspondant à la dose minimum à l'intérieur du dispositif qui sert, dans cet exemple, à définir l'isodose de référence laquelle a une valeur égale à 85 % de la précédente) et enfin, entourant chaque ligne radioactive l'isodose dont la valeur est égale au double de celle de l'isodose de référence. Elle définit le « manchon d'hyperdosage » qui doit être petit pour réduire le risque de nécrose (inférieur à 1 cm).
En cas de plésiocuriethérapie pour cancer de l'utérus (les sources radio actives sont au contact des tissus mais ne les pénètrent pas), la position des sources est imposée par l'anatomie. L'isodose de référence est choisie de telle sorte qu'une partie des paramètres soit engobée dans le volume traité et que la dose à la vessie et au rectum ne soit pas trop importante. La figure 10 donne un exemple de curiethérapie pour cancer du col de l'utérus.

Figure 10 Exemple de plésiocuriethérapie pour un cancer du col de l'utérus


 

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

5.8.1 - Les moyens pour donner la dose à l'endroit souhaité
5.8.2 - Les unités de la radiothérapie
5.8.3 - La dosimétrie
5.8.4 - La dose clinique
5.8.5 - Les doses utiles

 

Partie I - Cancérologie générale
Chapitre 5 - Bases de la radiothérapie

 

5.8 - Aspects cliniques pratiques

 

Sections

Sous-sections

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

 

5.8.1 - Les moyens pour donner la dose à l'endroit souhaité
5.8.2 - Les unités de la radiothérapie
5.8.3 - La dosimétrie
5.8.4 - La dose clinique
5.8.5 - Les doses utiles

 

 

5.8.4 La dose clinique

La dose « biologique » et en particulier la dose « clinique » dépendent de la dose physique en gray multipliée par un certain nombre de facteurs de correction (F).

Dose clinique = dose physique × F.T. × F.V. × F.Q. × F.I.

  • Le facteur T ou facteur temps est en pratique le plus important. Une radiothérapie ne peut être définie seulement par la dose totale. Par exemple pour une même dose totale les résultats ne seront pas les mêmes selon que l'irradiation sera faite avec 5 séances hebdomadaires de 2 Gy ou avec 3 séances hebdomadaires de 3,3 Gy. Par ailleurs 30 grays donnés en 10 séances et 12 jours correspondent approximativement sur le plan clinique à 45 Gy avec 5 fois 1,8 Gy hebdomadaires. La même équivalence approximative existe pour 23 Gy en 4 séances et 17 jours avec 5 Gy les jours 1 et 3, et 6,5 Gy les jours 15 et 17. Le facteur temps classique correspond à une dose donnée au rythme de 1,8 Gy à 2 Gy par séance 5 fois par semaine. Une dose totale ne définit donc une radiothérapie que si on indique, en même temps les paramètres du facteur temps à savoir le fractionnement et l'étalement (nombre de séances et nombre de jours entre le début et la fin du traitement). Habituellement quand on ne le précise pas (ex : radiothérapie après mastectomie de 45 Gy) c'est qu'il s'agit d'un facteur temps classique.
  • Le facteur V ou facteur volume, remarqué dès le début de l'utilisation de la radiothérapie, a une grande importance pratique. A doses égales en effet la tolérance des tissus sains diminue avec l'augmentation du volume irradié. C'est la raison pour laquelle pour toute radiothérapie à doses élevées (doses entières ou doses « curatives ») il est le plus souvent nécessaire de réaliser une ou plusieurs réductions du volume traité.
  • Le facteur Q, ou facteur de qualité, tient compte du fait qu'à dose égale l'effet biologique varie selon la nature du rayonnement (on parle d'EBR = Efficacité Biologique Relative). Ceci a été utile lors du passage des irradiations par 250 KV (biologiquement plus actives à doses égales de 5 à 10 %) aux irradiations par télécobalt. Actuellement ce facteur ne joue pas en pratique sauf pour les exceptionnelles irradiations par neutrons pour lesquelles un même effet biologique est obtenu avec une dose 2 fois 1/2 inférieure à celle du télécobalt (qui sert de référence).
  • Le facteur I, ou facteur individuel, correspond au fait que certains individus réagissent moins ou plus que d'autres pour une même dose. Dans l'ensemble, pour une même dose, les autres facteurs de correction étant identiques, les réactions sont très semblables d'un malade à l'autre. Les malades « réagissant trop » sont peu nombreux mais justifient cependant une surveillance attentive en cours d'irradiation pour adapter le traitement à l'importance des réactions.
5.8.5 Les doses utiles

La dose pour la maladie infraclinique est de 50 Gy en fractionnement classique.

La maladie infra-clinique correspond à la maladie non cliniquement détectable autour de la tumeur et dans la « région » en particulier dans les ganglions de drainage. Elle est souvent présente après chirurgie apparemment « complète » (c'est la maladie résiduelle infra clinique) :

·         Cette dose divise par 3 ou 4 la fréquence des récidives dans le volume irradié.

·         Elle est bien tolérée dans un grand volume.

·         Elle peut être nuancée selon la gravité : 45-50 Gy pour les « bons cas » et 55, 60, voire 65 Gy, pour les « mauvais cas » (N+ avec ruptures capsulaires multiples en ORL par exemple).

·         Elle peut être nuancée aussi selon la variété anatomopathologique. Pour les aires ganglionnaires ilio lombaires d'un séminome elle est de 20 à 25 Gy, pour le canal rachidien d'un médulloblastome de 30 Gy, pour un lymphome malin de 30 à 35 Gy, pour un sarcome des parties molles de 55 Gy.

La dose pour la maladie macroscopique

Pour les épithéliomas la dose est de 70 à 75 Gy en fractionnement classique pour les tumeurs de la tête et du cou et de 60 à 65 Gy pour les tumeurs du tronc (dose maximum, tolérée en fractionnement classique). Pour les séminomes la dose est de 30 à 35 Gy, pour les tumeurs cérébrales de 55 à 60 Gy, pour les lymphomes de 35 à 45 Gy, pour les sarcomes des parties molles de 55 à 80 Gy.

 

 

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

5.8.1 - Les moyens pour donner la dose à l'endroit souhaité
5.8.2 - Les unités de la radiothérapie
5.8.3 - La dosimétrie
5.8.4 - La dose clinique
5.8.5 - Les doses utiles

 

Partie I - Cancérologie générale
Chapitre 5 - Bases de la radiothérapie

 

5.9 - Pour en savoir plus

 

Sections

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

 

 

F. BAILLET - Radiothérapie : principes, indications, effets secondaires. Encycl. Med. Chir. 2-0150, 8 p, 1999.

J.J. MAZERON, T. LOCOCHE, A. MAUGIS. Techniques d'irradiation des cancers. Vigot Edit., 331 pages, 1992.

 

5.1 - Introduction
5.2 - Bases biologiques
5.3 - Téléradiothérapie
5.4 - Curiethérapie
5.5 - Radiothérapie métabolique
5.6 - Indications
5.7 - Nouvelles techniques
5.8 - Aspects cliniques pratiques
5.9 - Pour en savoir plus

 

Publié dans MEDECINE

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article