Urgence - Déshydratation

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URGENCES – METABOLISME ET ENDOCRINOLOGIE

 

DESHYDRATATIONS

P 436

 

  • Points importants et pièges

-          La recherche clinique d’une déshydratation est systématique aux urgences :

  • o    Pour tout malade grave
  • o    En cas de choc, trouble de la conscience, fièvre, infection
  • o    Chez tout sujet de plus de 75 ans

-          Oligurie, perte de poids, polypnée et tachycardie sont souvent négligés.

-          L’hypotension se juge aussi par rapport à la tension artérielle habituelle

-          Le pli cutané est un critère moins fiable chez le vieillard. La respiration par la bouche assèche la muqueuse.

-          Une protidémie et un hématocrite normaux sont souvent évocateurs de déshydratation chez le vieillard. Une protidémie à 70 g/l avec une hémoglobine à 12 g/dl chez un vieillard dénutri est le fait d’une hypoprotidémie et d’une anémie associées à la déshydratation extracellulaire.

-          La déshydratation n’impose pas la perfusion. La perfusion sous-cutanée est une solution efficace, éprouvée et pratique en cas de capital veineux pauvre ou inaccessible. La sonde nasogastrique aussi. Le verre d’eau est sous-utilisé. Idem pour le sel alimentaire ou en comprimés, dans les déshydratations extra cellulaires.

-          La correction de la déshydratation se suit sur la diurèse et le poids, plutôt que sur les « ionos » systématiques isolés. Prescrivez par écrit la surveillance de ces critères hautement technologiques. Prescrivez le Pénilex pour les incontinents. Ne sondez qu’en cas de choc hypovolémique.

-          En cas de kaliémie limite-basse, apportez du KCI si vous administrez du glucosé.

 

-          La déshydratation peut aboutir à un état de choc hypovolémique sans hypotension initiale mais avec tachycardie, marbrures et troubles de conscience, polypnée et acidose lactique. Ce n’est pas inhabituel chez les vieillards isolés ou négligés en institution.

 

-          Sous les draps les marbrures : pour les voir, il faut les chercher sous les draps ou les vêtements.

-          Cherchez le diurétique chez tous les déshydratés, méfiez-vous des associations (IEC + thiazidiques). Citez les noms des principaux diurétiques au patient. Prend-il des médicaments « pour le cœur », « pour la tension » ?

L’alcalose métabolique avec hypokaliémie et hyponatrémie et insuffisance rénale fonctionnelle est particulièrement évocatrice.

-          Bandelette urinaire et glycémie capillaire permettent le diagnostic rapide des complications du diabète.

 

  • ·          Perfusion sous cutanée

-          Indication : malade « impiquable ». Vomissements interdisant la voie oro-ou naso- gastrique.

-          Nécessité : convaincre l’infirmière (non habituée) du bien fondé de cette voie. Pour elle, une perfusion SC est une perfusion qui passe à côté.

-          Utiliser une aiguille pour intramusculaire, piquée en sous cutané vers le haut, à la face antérieure de la jonction 1/3 supérieur – 1/3 moyen de la cuisse. Brancher la perfusion.

-          Que peut-on perfuser ? Du sérum physiologique (NaCl 9 pour 1000), du glucosé à 5 % , du KCl à moins de 2 g/l, du Trophysan L Glucidique 50 (soluté protidique ; contient des sulfites allergisants)

-          Quelle quantité ? Jusqu’à 1 1/3 h et par cuisse. Ralentir le débit en cas de douleur. Changer l’aiguille tous les jours. L’œdème local est normal.

 

  • Déshydratation extra cellulaire (DEC)

Toujours secondaire à un excès de pertes sodées, rénales ou extra rénales

 

-          Diagnostic clinique

-          Asthénie, anorexie. Muqueuses humides mais veines plates, yeux cernés

-          Pas de soif dans les DEC pures

-          La persistance anormalement prolongée du pli cutané est recherchée sous la clavicule, aux avant bras. Elle est souvent faussement positive chez le vieillard. Sa présence (inconstante) aux cuisses me paraît plus fiable.

-          Hypotension orthostatique, malaises au passage debout.

-          La pression artérielle est longtemps conservée.

-          Tachycardie constante en l’absence de traitement bradycardisant (beta bloquants)

-          La perte de poids est rarement appréciable… et rarement recherchée hélas.

-          La polypnée peut être le fait d’un choc, d’une acidose associée, notamment diabétique

-          Choc hypovolémique avec marbrures, sans hypotension parfois, mais avec tachycardie, troubles de conscience, polypnée.

-          Aux urgences : bandelette urinaire et glycémie capillaire

 

-          Biologie

-          Elévation de l’hématocrite, de l’hémoglobine et des protides totaux. L’anémie et la dénutrition très fréquentes chez le  vieillard peuvent le masquer.

-          Analysez natrémie, glycémie, Cl, urée, glycémie, créatininémie, CO2T et trou anionique (Na+K-Cl-CO2T, N= 12+-4 mol/l), NFS. Dans la déshydratation extracellulaire pure, la natrémie est normale. En fait il s’agit souvent de déshydratations mixtes.

-          Recherche de glucose et corps cétoniques (entre autres) avec une bandelette urinaire.

-          Insuffisance rénale fonctionnelle avec élévation proportionnellement plus importante de l’urée par rapport à la créatinine : grosso modo, c’est le cas lorsque : urée (mmol/l) * 10 approche ou dépasse Créatininémie (µmol/l)

-          Chez le vieillard, la créatinine doit être interprétée en fonction de l’âge et du poids. Par exemple une femme de 85 ans et 60 kg avec une créatininémie de 90 mmol / l a une clairance de créatinine calculée de seulement environ 40 ml/mn ! Abaque plus loin.

Régle de Cockroft

. Clairance calculée (femme) = ((140 – âge) * poids (kg))/ (0,85*créatininémie (µmol/l))

; Clairance calculée (homme) = ((140 – âge) * poids (kg))/ (0,8 * créatininémie (µmol/l))

-          Le ionogramme urinaire (sur échantillon) permet de distinguer les pertes sodées rénales des pertes extrarénales et les insuffisances rénales fonctionnelles des organiques.

Schéma :

Déshydratation extra cellulaire

!

Natriurie ? (1)

!

NU < 20 mmol/l                      NU > 20 mmol/l

!                                              !

Pertes sodées extra rénales     Pertes sodées rénales

(1)     Possibilité de natriurie basse après pertes rénales sodées massives.

 

-          Causes des DEC

  1. 1.        Causes extra rénales

Oligurie et NaU < 20 mmol/l avec Na/K<1

Urines concentrées et urée urinaire sur urée sanguine > 8

  1. 2.        Pertes rénales

NaU > 20 mmol/l, urines oeu concentrées

NB : Après des pertes de sel massives, parfois NaU < 20 mmol/l

Diurèse variable, pouvant rester abondante tant que n’apparaît pas d’insuffisance rénale fonctionnelle.

  1. 3.        Pertes digestives

-          Vomissmenets, aspiration gastrique : déshydratation avec alcalose métaboliqe hypochlorémique et hypokamiélie. CI U effondrée

-          Diarrhée, laxatifs, tumeur villeuse (TR) : acidose métabolique, bicarbonates en baisse, trou anionique normal (10-16mmol/l) et hypokaliémie.

-          « Troisième secteur » : occlusion, pancréatite, péritonite, rhabdomyolyse.

  1. 4.        Pertes cutanées

-          Rarement isolément responsables d’une DEC, sauf en cas de mucoviscidose ou de br^pulures étendues.

  1. 5.        Les diurétiques. Alcalose métabolique et hypokaliémie sont évocatrices (thiazidiques, Lasilix, Burinex)

-          Insuffisance surrénale aigue

-          Néphropathies interstitielles chroniques avec pertes de sel. La déshydratation est provoquée par des troubles digestifs intercurrents ou à un régime - désodé.

-          Acidoses tubulaires distales : fuite sodée et potassique et une acidose métabolique

-          Reprise de diurèse des insuffisances rénales aigues par nécrose tubulaire et syndrome de levée d’ooàbstacle.

 

-          Traitement

-          Etiologique et symptomatique

-          Corrigez le déficit hydrosodé en apportant de l’eau et du sel. Prescrivez de donner à boire chaque fois que l’on entre dans la chambre, par exemple 3 litres par jour. Régime normosodé, arrêt des diurétiques (et de la digoxine éventuellement), ajout de sel en sachet ou mieux, en comprimés ou gélules de 1 g : 4-12 g/24 h ; la pharmacie ou le service diététique de l’hôpital les fournissent.

-          En l’absence de trouble digestif, les déshydratations extra cellulaires modérées peuvent être corrigées par voie orale.

-          En cas de déshydratation plus sévère ou en présence de vomissements, cette réhydratation s’effectue par sonde nasogastrique ou par perfusion intraveineuse de sérum physiologique à 9 g/litre de NaCl.

-          La quantité à perfuser dépend de l’importance de la déshydratation extra cellulaire appréciée au mieux par la perte de poids : on en apportera 30 % à 50 % pendant les premières 24 heures.

-          Apportez les besoins journaliers environ 1500 ml en eau + compensation des pertes en cours (diarrhée, vomissements : compenser volume à volume avec du B26 (Glucosé 5 % NaCl 4 g/l, KCl 2 g/l). En cas de fièvre, ajoutez 300-400 ml d’eau par degré au-dessus de 38 °C par jour.

En règle générale, plusieurs litres sont nécessaires dès le premier jour, le premier litre passant en ½ à 2 heures.

-          Une éventuelle hypokaliémie ou normokaliémie basse associée est corrigée par apport de chlorure de potassium per os et/ou intraveineux.

-          En cas d’acidose métabolique associée par fuite de bicarbonates, le bicarbonate de sodium isotonique (14 g p. 1000) peut être en partie substitué au sérum salé, mais avec apport de KCl (hypokaliémie de transfert induite).

-          Encas de choc hypovolémique : remplissez avec des macromolécules en suspension dans du sérum physiologique (Elohes, Lomol, Plasmion)

Passez les solutés très rapidement : par exemple 500 ml en 10-15 mn renouvelable, jusqu’à disparition des marbrures et obtention d’une pression artérielle >= 100 mmHg. Relais avec du sérum physiologique.

-          L’efficacité du traitement est appréciée sur la diurèse, le pouls et le poids, la reprise de la natriurie et la correction de l’hémoconcentration. Prescrivez par écrit la surveillance de ces critères hautement technologiques. Prescrivez le Pénilex pour les incontinents. Ne sondez qu’ne cas de choc hypovolémique.

-          La tolérance est surveillée par la recherche de signes d’œdème pulmonaire:  polypnée (surveillance infirmière : FR et respiration), dyspnée, crépitants.

 

  • Déshydratations intracellulaires (DIC) et globales (DIC + DEC), Hypernatrémies

-          Il s’agit :

  • o    D’une hypernatrémie (>= 145 mmol/l
  • o    Parfois d’une hyperosmolalité sans hypernatrémie en cas de :
    • §   Diabète décompensé
    • §   Elévation brutale de l’urée sanguine, perfusion de mannitol.

 

-          Clinique

-          Soif intense. Elle peut ne pas être exprimée (vieillards, déments, traitements psychotropes, troubles de la conscience). La sécheresse des muqueueses se recherche à la face inférieure de la langue et au sillon gingivolingual.

-          Fièvre fréquente. Teint grisâtre.

-          Perte de poids importante

-          Signes neurologiques : ralentissement idéatoire, confusion ; troubles de conscience et crises convulsives dans les formes graves.

-          Dans les déshydratations globales, on note en plus un pli cutané, une hypotension artérielle.

-          Aux urgences : bandelette urinaire et glycémie capillaire.

 

-          Biologie

-          Osmolalité plasmatique > 290 mosm/l

-          L’osmolalité peut être mesurée ou calculée à partir de la formule suivante :

  • o    Osmolalité = Na * 2 + urée + glycémie, tout en mosm/l

-          Des signes cliniques de DEC donc d’hyperosmolarité, sans hyperglycémie ni hypernatrémie font mesurer l’osmolalité réelle par le laboratoire. Le trou osmolaire indique la présence d’éthanol (1 g = 22 mmol), de méthanol ( 1 g = 25 mmol), de glycérol, de mannitol.

-          Le ionogramme urinaire précise le mécanisme de la DIC

-          Dans les déshydratations globales on note en plus une hémoconcentration, une insuffisance rénale fonctionnelle (cf. DEC).

 

 

-          Causes des DIC

 

  1. 1.        Déshydratation intracellulaires pures

-          Pertes rénales :

  • o    Diabète insipide
  • o    Potomanie et restriction hydrique accidentelle brutale
  • o    Diabète insipide néphrogénique :          
    • §   Hypercalcémie
    • §   Lithium, amphotéricine B, diméthylchlortétracycline
    • §   Congénital, drépanocytose, déficit potassique prolongé, néphropathies obstructives, néphropathies interstitielles, amylose, Sjogren.

-          Pertes extra rénales : voie respiratoire chez les sujets en coma chronique, trachéotomisés.

 

  1. 2.        Déshydratations globales

-          DEC + DIC

-          Pertes sodées et hydriques anormales avec une perte d’eau relativement plus importante que la perte de sodium.

-          Pertes rénales, NaU > 20 mmol/l : glucose, mannitol

  • o    Diurèse osmotique :
    • §   Hyperosmolarité diabétique, mannitol
    • §   Hypercalcémie
    • §   Polyurie osmotique due à l’urée à la reprise de diurèse après nécrose tubulaire ou levée d’un obstacle complet de la voie excrétrice.

-          Pertes extra rénales :

  • o    La diurèse est basse. NaU <  20 mmol/l
  • o    Pertes digestives : diarrhée chez un sujet privé d’eau
  • o    Sueurs abondantes (delirium tremens, coup de chaleur)

 

  1. 3.        Déshydratation intracellulaire par inflation sodée très rare.

Solutions hypertoniques de bicarbonate de sodium (traitement de l’arrêt cardiaque ou de l’hyperkaliémie menaçante). Ingestion d’eau de mer.

 

 

-          Traitement

 

  1. 1.        Déshydratations intracellulaires pures

-          Administration d’eau : apports des besoins journaliers ajoutés au déficit.

-          Le déficit hydrique peut être évalué par la perte de poids ou à défaut de connaître le poids de départ et d’arrivée, par l’une des formules suivantes :

  • o    Delta H2O litres = poids habituel * 0,6 ((osmolalité / 280) – 1)
  • o    Delta H2O litres = poids habituel * 0,6 ((natrémie / 140) – 1)

-          Besoins journaliers en eau environ 1500 ml + compensation des pertes en cours (diarrhée, vomissements : compenser volume à volume avec du B26 (Glucosé 5 % NaCl 4 g/l, KCl 2 g / l). En cas de fièvre, ajouter 300 – 400 ml d’eau par degré au-dessus de 38°C par jour.

-          Administrez un tiers à la moitié du déficit hydrique ajouté au besoin journalier pendant les 24 premières heures. EN l’absence de vomissement, l’eau est donnée par sonde nasogastrique à débit continu pour limiter le risque de dilatation gastrique et de régurgitation.

-          Dans les formes graves et notamment en cas de trouble neurologique, on a recours à la voie intraveineuse : sérum glucosé à 5 % .

-          En cas de diabète, glucosé à 2,5 % et/ou adjoindre de l’insuline ordinaire ou Actrapid : 3 unités pour 500 ml de glucose G5 %

-          En cas de diabète insipide néphrogénique médicamenteux, arrêt du médicament responsable

-          En cas de diabète insipide hypothalamo-hypophysaire, administration nasale ou sous cutanée de Diaprid ou Minirin.

 

  1. 2.        Déshydratations globales

-          Correction conjointe des déficits hydriques et sodés

-          En cas de déshydratation extracellulaire majeure, comme souvent dans l’hyperosmolarité : rétablissement d’une volémie correcte avec sérum salé isotonique (9 p. 1000) ou de solutés de remplissage (Elohes, Lomol, Plasmion)

-          Puis réhydratation à l’aide de solutés plus hypotoniques : glucosé 5 % avec NaCl 4 g / l KCl 2 g / l dans une hypercalcémie par exemple (B26)

-          Quantité : cf. DEC plus haut

Référence : Il vous est chaudement recommandé de lire ( 3 à 4 fois) le petit livre de Lissac et coll. Basé sur des exercices de cas cliniques expliqués ; après vous serez à l’aise.

    

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